Au Musée des Beaux-Arts de Tournai, 1001 façons de savourer une collection

30/01/2025

De nouvelles merveilles à explorer

Il y a quelques jours, le Musée des Beaux-Arts de Tournai proposait une activité exclusive et gratuite au public : un regard inédit sur l’œuvre de James Ensor, par le truchement d’une visite commentée mettant à l’honneur les œuvres appartenant de longue date à ses collections mais aussi un ensemble de gravures et dessins que la Fondation Roi Baudouin vient juste de lui confier. Une proposition plaisante qui promet de se reproduire régulièrement!

L’idée est d’amener les visiteurs à arpenter les salles du somptueux édifice – le seul musée dessiné par Victor Horta – aux côtés d’un tandem de spécialistes. Au rythme de cette déambulation, Magali Vangilbergen (Conservatrice-adjointe) et Julien Foucart (Conservateur) abordent la technique, les spécificités thématiques et la maestria du peintre. Dans le cas présent ils ont souhaité lever le voile sur une certaine intimité de l’artiste ostendais, sur ses réflexions personnelles, sur l’évolution de son travail aussi.

Dire ce que les oeuvres ne peuvent exprimer

Pour ce faire, ils peuvent évidemment s’appuyer sur les pièces actuellement exposées sous les grandes verrières dessinées par Horta, dans le cadre de l’accrochage permanent en cours. Mais de manière pertinente, ils sélectionnent aussi quelques remarquables gravures et dessins difficilement montrables en raison de leur grande fragilité, et les commentent durant des moments exclusifs.

Grâce à la donation de Madame Dujacquier à la Fondation Roi Baudoin de nouveaux trésors précieusement conservés et pour certains jamais présentés au public, il est maintenant possible de « faire parler » les travaux de « jeunesse » d’Ensor, et quelques œuvres un peu plus tardives. Ces estampes et dessins témoignent aujourd’hui encore de la prodigieuse capacité d’Ensor à s’inspirer du quotidien et à travailler les traits pour révéler grâce à la lumière les matières les plus diverses. On y découvre la profonde cohérence de ses expérimentations radicales, indépendantes, éloignées des grands courants artistiques en train de se déployer alors autour de lui. C’est sa vision du monde tour à tour amusante, grotesque, militante que nous content les médiateurs en révélant l’œuvre de James Ensor au sein de la collection tournaisienne.

Grâce au nouveau dépôt, l’intarissable équipe scientifique du Musée des Beaux Arts peut enrichir encore la médiation exemplaire qu’elle offre au public, en mettant au jour les amitiés et les connivences du peintre avec certains de ses contemporains comme Théo Hannon, Willy Finch, Henri Van Cutsem, Guillaume Van Strydonck, ou bien encore Louis Gallait. Elle peut aussi désormais attirer les regards vers une pépite de la donation qui reflète le basculement qu’applique Ensor à son travail, lorsque progressivement il convoque dans ses compositions des figures fantomatiques, des squelettes et des masques. Dans cette discrète petite gravure surgit, comme un diable de sa boite, une créature faite d’ossements qui vient hanter un meuble. A elle seule, elle évoque les hordes de curieux personnages qui n’en finiront plus de coloniser les scènes couchées sur le papier par Ensor.

« Lors de nos visites, ce que nous aimons souligner, c’est la spécificité de nos collections. Ici par exemple on peut éclairer ce qu’est la fantasmagorie d’Ensor, son retournement vers un monde de rêve et de fantaisie, avec sa manière très personnelle, et notamment l’usage du couteau pour explorer la matière, ou encore ses explosions de couleurs pour nous révéler son monde à lui. » souligne Julien Foucart.

Partager toujours plus la collection

Pour les nombreuses personnes qui n’ont pu participer aux visites exclusives proposées par le MBA, qu’elles soient rassurées, d’autres moments du même type sont envisagés dans les prochains mois. Régulièrement, en effet, le binôme formé par Julien Foucart et Magali Vangilbergen proposera un focus sur une œuvre sous la forme d’un « arrêt sur image ». L’expérience consistera en des rencontres brèves et gratuites qui se dérouleront durant la pause de midi. Précisons que le musée, depuis le mois de janvier 2025, a élargi ses horaires d’ouverture, en renonçant à son « entracte » de midi. Des visites polysensorielles seront proposées certains dimanches matin, en compagnie d’une animatrice. Elles s’adresseront aux familles et petits groupes. Les précisions à ce sujet seront détaillées sur le site Internet du MBA.

L’autre consolation pour les visiteurs qui ont manqué la première visite exceptionnelle tient dans le fait que l’accrochage en cours, qui met à l’honneur d’immenses chefs-d’oeuvres, vient juste d’être inauguré et qu’il sera donc possible durant de nombreux mois encore de (re)découvrir les Ensor, Monet, Manet, Seurat.

« Nous essayons de tester différents accrochages en vue de rendre la collection plus tangible au public. Par exemple, nous avions envie de mettre en dialogue deux natures mortes remarquables. L’une date du 17ème et est chargée de valeurs moralisatrices soulignant le caractère éphémère de toute chose sous la forme d’un memento mori, la seconde scène du même type, a quant à elle été exécutée par James Ensor à la fin du 19ème. En observant cette dernière, on comprend combien Ensor est influencé par l’impressionnisme et par l’importance de la lumière, qui ici vient délimiter les contours des objets représentés. Son génie relevant en outre du soin qu’il apporte à créer une peinture nationale, qui se différencie des sillons creusés par les impressionnistes français. En revisitant les thèmes anciens comme l’iconographie de la nature morte, Ensor se met à sculpter la matière picturale qui devient organique. » commente le Conservateur du musée.

Expérimenter d’autres points de vue

Constellations, la collection pour les générations est une proposition innovante qui envisage la collection comme une sorte de grand réservoir onirique. En puisant au sein de cette ressource forte de plus de 6.000 pièces, l’équipe du musée propose cette fois une mise en scène qui fonctionne par ricochet, chaque œuvre dialoguant avec celles qui l’entourent dans un jeu de connivences et de concordances graphiques, bref d’une manière plus sensorielle, éloignée des traditionnelles classifications chronologiques, un peu rébarbatives il faut l’avouer.

« Le noyau de notre collection est axé sur la fin de siècle, mais en même temps nous possédons des pièces de différentes époques beaucoup plus anciennes et aussi plus récentes, nous avions envie de raconter une autre histoire que l’histoire de l’art, en montrant les pièces pas uniquement de manière temporelle mais en proposant de comprendre comment ces œuvres peuvent encore parler au public aujourd’hui » souligne Magali Vangilbergen. « Nous proposons aussi des accrochages tournants, nous essayons de mettre sur un même pied des éléments picturalement exceptionnels, et d’autres qui le sont de par l’histoire qu’ils incarnent. Nous souhaitons aussi que le public puissent expérimenter ce lieu comme celui de l’émotion, comme celui qui se renouvelle sans cesse et qui n’est jamais à court d’histoires à lui livrer. »

Dans les salles, des lignes évidentes apparaissent entre des objets apparemment éloignés, pour former des constellations. « Entre des points réels, entre des étoiles isolées comme des diamants solitaires, le rêve constellant tire des lignes imaginaires »  écrivait si brillamment Gaston Bachelard dans L’air et les songes. Dans le grand hall au parquet lustré et aux plafonds vitrés, les voutes tracées par Gustave Marchoul s’élancent aux côtés d’un intérieur d’église exécuté à la peinture à l’huile par un anonyme et d’une aquarelle de la cathédrale de Sienne de Louis Haghe… En expérimentant une telle scénographie, l’art est désacralisé, les travaux d’artistes célèbres côtoient ceux qui sortent moins souvent des réserves, il n’est pas question de prérequis pour le regardeur, de culture élitiste et cloisonnante, juste de sensations, qui peuvent émouvoir tous les publics, des jeunes bambins aux plus fervents spécialistes.

Rendre public, ce qui ne peut être montré

Soucieuse de faire de la visite une expérience singulière, l’équipe propose à ses usagers des petits goodies, qui sont tantôt des supports sous forme de mini livrets à emmener avec soi pour compléter la découverte intuitive des salles, le but n’étant pas d’orienter le regard mais d’inviter les visiteurs à faire leurs propres associations, comme dans une scénographie intime, subjective. Plus loin une série de cartes postales reproduit des dessins de Van Gogh, Toulouse Lautrec, Fernand Khnopff et d’autres immenses noms des avant-gardes. Ce sont aussi les trésors cachés du fonds Van Cutsem. Puisqu’ils ne peuvent être montrés trop longuement en raison des dangers que représente leur exposition pour leur préservation. Le musée les partage autrement avec le public qui peut emmener chez lui gratuitement ces reproductions de poche.

L’insitution est amenée à suivre un programme de rénovation qui permettra de garantir la conservation des œuvres et d’améliorer l’expérience de la visite pour le public. Les travaux préparatoires au chantier et notamment le récolement sont en cours. C’est dans ce contexte qu’un projet de « Carnets de chantier » a vu le jour. Destiné à documenter les coulisses du musée, à aborder les métiers et pratiques de l’ombre au sein de l’institution scientifique, ces carnets sont de petites chroniques illustrées, certains d’entre eux sont exposés au sein d’un des sas qui mène vers les salles d’exposition. Les livrets renferment les croquis tracés par l’architecte et illustrateur Nicolas Lorent, qui assiste régulièrement au ballet des travailleurs et les immortalise avec un regard décalé. Au travers une newsletter, le musée des Beaux-Arts partage cette exploration graphique avec toutes et tous. Vous pouvez vous aussi recevoir les nouvelles du musée à travers les yeux et la plume de Nicolas Lorent en renseignant vos coordonnées sur le formulaire du site web du musée. Vous recevrez également chaque trimestre par voie postale une carte imagée du carnet à collectionner ou à envoyer.

Où est-Manet ?

Saviez-vous que les seules peintures en Belgique – et non des moindres – d’Edouard Manet, se trouvent à Tournai ? C’est avec drôlerie que le musée a décidé de souligner la présence d’œuvres exceptionnelles de l’impressionnisme avec la campagne « Où est-il ? ». S’emparant des réseaux sociaux depuis l’été dernier, il a entrepris un travail d’éducation populaire en s’arrêtant sur ces monuments de l’histoire de l’art, à travers des posts riches d’enseignements. La collection vertigineuse du MBA.tournai a encore de très nombreux secrets à nous dévoiler de manière surprenante, grâce à l’imagination de l’équipe scientifique qui l’étudie et la valorise. Réjouissons-nous de découvrir dans les prochaines années, ses petits trésors méconnus ou encore jamais exposés. Dans les réserves, les Auguste Lévêque, Théodore Verstraete, Louis Pion attendent de rejoindre les grandes salles du musée pour s’exposer, eux aussi, aux regards des visiteurs.

Infos

Musée des Beaux-Arts de Tournai

Rue de l’Enclos Saint-Martin 3
7500 Tournai (Belgique)
Téléphone : +32 69 33 24 31
Email : musee.beaux-arts@tournai.be

Horaires
Du mardi au samedi de 9h30 à 17h
Dimanche et jours fériés de 11h à 17h

Fermé le lundi

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