Au BPS22, la vie à bout de traces

23/08/2024

L’été a été fugace ! Il ne vous reste plus que quelques jours pour explorer les expositions du BPS22 avant qu’elles ne ferment leurs portes… Prenez le temps d’y faire escale et retardez le tumulte de la rentrée qui s’annonce, en vous immergeant dans ces petites parenthèses bienfaisantes.

amourable

Ce merveilleux mot-valise a été un jour prononcé par le fils du plasticien Alain Bornain. Derrière lui se cache en quelque sorte la manière sensiblement différente dont adultes et enfants prêtent attention au sens de la vie. Le plasticien y ayant vu l’invention d’un adjectif qui qualifierait une personne ou une chose ayant la capacité à être aimé, alors que l’enfant voulait plutôt exprimer l’aptitude qu’aurait un être à ne jamais mourir.

Derrière ce doux mot donc, l’exposition présentée au BPS22 invite les visiteurs à prendre pleinement la mesure de la fugacité de notre passage sur terre mais aussi à s’imprégner de la force avec laquelle les êtres humains sont aptes à laisser une trace et donc à accomplir l’acte salutaire de transmettre.

Offrant au regard et à la réflexion un ensemble d’œuvres plus anciennes ou complètement actuelles, l’évènement n’a pas été pensé comme une rétrospective mais plutôt comme une mise en perspective des recherches d’Alain Bornain, qui somme toute a encore de nombreuses propositions à amener dans le champ artistique…

Lorsqu’on chemine entre les pièces sélectionnées par le commissaire Pierre-Olivier Rolin, on palpe immédiatement la prodigieuse fertilité de l’esprit et des gestes du plasticien, ouvert à toutes les formes d’expérimentations et d’expressions de manière souvent ludique.

Quand le temps passe au tableau

Au commencement il y a les vertigineuses mises en abîme des tableaux de tableaux, figures réalistes rendant hommage à la part d’enfance d’une portion du public : celle qui a manié le frotteur et la craie à l’école. Ces grands écrans sur lesquels des milliers d’yeux ont été contraints de rester rivés lors des leçons, alors qu’ils ne rêvaient probablement que de vagabonder par les fenêtres des classes, sont presque muets. Les flots de mots, de démonstrations complexes vigoureusement dessinés à leur surface par les professeurs se sont partiellement envolés.

Ils ont été absorbés par le magma temporel qui écrase tout sur son passage. En partie, car il subsiste toujours des signes, parfois de simples fragments, ça et là, comme dans nos mémoires embrouillées par les strates d’événements qui se sont succédés depuis que nous avons quitté le temps de l’innocence. Ces bribes, vaporeuses et fragiles sont essentielles, elles témoignent du prodigieux besoin qu’ont les êtres humains qui sont des passeurs, à laisser traces, face à l’inlassable fuite du temps.

La vie, cette nébuleuse colorée

En dialogue avec ces fenêtres ouvertes sur l’adolescence, d’autres tableaux composent un panorama plus contemporain. Ils intègrent les attributs d’un monde qui tourne anormalement vite et se consacre à la croissance, à la productivité, à l’accumulation de richesses, au détriment des êtres vivants qui apparaissent en filigrane.

Malgré tout, face à cette avalanche de chiffres au cœur de la vacuité, il reste l’infatigable torrent de vie, ses jeux, sa couleur qui se fraient toujours un chemin. Elle concentre en elle toutes ses promesses, dans un ballet centrifuge à l’image de celui des atomes, particules infiniment petites qui gravitent silencieusement comme le font les galaxies autour de nous.

Emportez toute la poésie nécessaire

Polymathe et inscrit dans un mouvement participatif Alain Bornain nous invite à interagir avec ses dispositifs. Il nous propose de nous replonger dans le merveilleux roman de Boris Vian, L’écume des jours, texte l’ayant fortement marqué durant l’adolescence. Que gardons-nous en mémoire de ce récit et de ses protagonistes, si ce ne sont leurs prénoms ? La réminiscence d’un formidable moment de poésie qui nous a probablement extrait des contingences du quotidien. Marquons un temps d’arrêt, emmenons avec nous la coquille vide de ce conte caviardé par Alain Bornain comme une promesse faite à l’artiste de savourer le plaisir que nous prendrons à le relire. Chloé et Colin, et leur poignante histoire d’amour nous attendent, tapis au creux des carnets d’un livre de poche et avec eux la démonstration que la vie est tout aussi fragile qu’extrêmement puissante.

Ce chemin que le BPS22 nous invite à explorer au sein des salles consacrées aux œuvres d’Alain Bornain est ponctué de pièces qui ont toutes en commun une sincère et généreuse invitation à vivre pleinement son destin dans ce drôle de monde. Optimistes ses travaux incitent le regardeur à prendre pleinement conscience de la chance qui lui est offerte de respirer, s’émouvoir et vibrer, même si en creux se profile l’éphémérité du palpitement vital. Mais ne tardez plus car il ne vous reste plus qu’une poignée d’heures pour faire l’expérience de cette « amourable » exposition, qui se tient jusqu’au 1er septembre au BPS22.

Le temps et ses stigmates éphémères

De manière très pertinente, le musée d’art de la Province de Hainaut met à l’honneur un autre artiste également fasciné par la notion de réminiscence. La peinture d’Éric Fourez est l’objet de la carte blanche confiée au journaliste et critique d’art Claude Lorent.

Selon un processus créatif invariable, inlassablement, résolument, Éric Fourez peint des paysages marins fascinants, des bords de plages ravinés, creusés, modelés par le flux, le reflux, le ressac, par la puissance ou la douceur des vagues qui vont, viennent, se retirent et reviennent. Qui meurent sur le sable avant de remonter à l’assaut, plus déterminées et plus vivantes que jamais.

Hymne à la vie et à la nature, images du destin, vanités autant que paysages, ces peintures de l’espace infini et de la blancheur, silencieuses, solitaires, évocation du passage du temps, de la fragilité des êtres et des choses, de l’éphémère et du combat contre l’inéluctable effacement jusqu’à la disparition, se déclinent en toutes tailles, en tous formats, invitent à regarder et réfléchir, à vivre l’enchantement, à méditer, à prendre conscience de soi, de notre terre à respecter et de l’univers incommensurable. Claude Lorent

Prenez le temps de contempler ces représentations hyperréalistes des traces dessinées par l’eau marine si fugitive sur la terre souple. Après les avoir vaguement observées, vos yeux s’y plongeront plus profondément et vous percevrez à quel point le travail paysager du peintre est infiniment le même mais sans cesse différent.

Mailart #8

Pour ce huitième volet (à vrai dire le septième mais en hommage à Jef Lambrecht superstitieux, huitième donc) du cycle mail art, le BPS22 a confié à Chris Straeling la curation d’une exposition explorant l’expérience épistolaire menée par le reporter durant de nombreuses années. Il en ressort un ensemble truculent de documents, objets et installations qui témoignent du plaisir que semblait éprouver l’essayiste et rigoureux journaliste politique à mélanger dans sa pratique artistique vraies informations et intox.

 

Des expos radicalement accessibles

Pour clore en beauté ce cycle d’expositions avant d’accueillir les créations d’Alain Sechas et Juliette Vanwaterloo, le BPS22 vous propose une journée « formidouble » puisque gratuite, plus que gratuite et plus encore. Non seulement le musée sera ouvert librement le 1er septembre, mais en outre des visites y seront proposées gratuitement entre 14h et 17h30. La médiation sera rehaussée par la présence des artistes Alain Bornain, Éric Fourez et du curateur Chris Straetling qui vous accueilleront dans les espaces du musée.

Infos

BPS22
Boulevard Solvay 22
6000 Charleroi

071.27.29.71

INFO@BPS22.BE

 

 

 

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