Coup de cœur intégral pour Franz Bartelt

Nous avions envie cette fois de partager avec vous un coup de cœur littéraire de l’une des animatrices et chargée de Communication qui œuvre parmi les agents de Hainaut Culture. Vous la connaissez sans doute, car elle est une figure emblématique de notre Secteur de la Lecture publique, il s’agit de l’autrice Véronique Janzyk et elle a choisi de nous parler des textes d’un auteur qu’elle affectionne : Franz Bartelt.

La Bibliothèque provinciale de La Louvière a eu le plaisir de l’accueillir. Il peut tout écrire et il ne s’en prive pas : des polars humoristiques, des nouvelles (tendres au caustiques) pour lesquelles il a reçu le Prix Goncourt de la nouvelle, des propos sur la littérature (Pleut-il ?), un récit consacré à sa mère (Depuis qu’elle est morte, elle va beaucoup mieux – éditions du Sonneur). Les éditions de l’Arbre Vengeur publient désormais son journal.

L’Année à treize lunes constitue le premier tome de cette initiative. Il couvre l’année 2020. On y croise des voisins, des inconnus croqués sur le vif. Chacun pourra se retrouver dans les pérégrinations de l’auteur (les courses, les visites en milieu hospitalier…). Les évocations de la vie politique ne manquent pas. Rien de tels que quelques extraits pour goûter à la saveur à nulle autre pareille de ces textes, qui ne se veulent aucunement le journal d’un écrivain. Franz Bartelt est dénué de tout narcissisme. C’est un journal de l’écrit, de l’entreprise de consignation d’une vie, qui est ici entre nos mains.

Voici donc quelques trésors récoltés par Véronique Janzyk… qui nous l’espérons, vous donneront envie de vous plonger dans ses textes. Sachez que le catalogue des bibliothèques du Hainaut compte près de 50 livres disponibles au prêt pour cet auteur.

« Ce qui me plaît, c’est la voix des gens, le souffle du monde, ces minuscules élans de la vie qui se manifeste, ces mots, tous ces mots qui ne trichent pas, qui n’appellent pas la réplique, qui ne sont que le son de l’humanité, le lieu banal où se mêlent le premier cri du nouveau-né, le râle du mourant, le chuchotement des amoureux, les bruits de l’ennui, de la liesse, du travail. Chaque matin, en semaine, l’air porte jusqu’à la maison qui s’éveille la cadence des marteaux pilons. C’est un fracas qui bat comme un cœur et à travers lequel on entend le cœur qui bat dans la poitrine du forgeron. Voilà des choses que je comprends. Et qui m’émeuvent. Qui me font tourner la tête. Qui m’entretiennent de la vie. »

 

« La nature a parfaitement équilibré les oiseaux, car ils tiennent sur les fils du téléphone sans que le derrière entraîne aussi peu que ce soit la tête et le haut du corps. Si on coupait un oiseau à la verticale à partir du fil du téléphone, on obtiendrait deux parties d’oiseaux d’un poids rigoureusement identique. C’est une des merveilles naturelles à laquelle on ne prête jamais attention. Elle est pourtant propre à susciter l’enthousiasme des esprits cartésiens. Elle vaut pour tous les oiseaux. Pratiquement. »

 

« Au bout de la rue, je vois souvent un enfant partir à l’école avec un chien. En fait, l’enfant promène le chien sur le chemin de l’école, long d’un kilomètre environ. Devant la boulangerie, il attache l’animal à un poteau du téléphone et rejoint son école. Quelques instants plus tard, le grand-père qui habite en bas de la rue, récupère le chien et entreprend sa promenade, laquelle par le plus familial des hasards passe justement devant la maison de sa fille, maman du petit écolier. Il remet le chien dans sa niche, entre boire un café chauffé à la goutte, dépose le journal qu’il a lu tôt le matin, prend connaissance des potins locaux et redescend chez lui, où la soupe cuit sur la cuisinière à bois. Le chien est content. »

 

« Le saucisson a une âme. Pour moi, le saucisson a une âme. Une âme de saucisson. (…) L’âme du saucisson prend la forme des saintes auréoles et positionne son vol géostationnaire au-dessus des bienheureux du paradis. Dieu soupire. Ah, si plutôt que d’envoyer son fils sur terre pour sauver les hommes, il avait eu la divine idée de leur adresser un saucisson, la tâche des bourreaux en eût été singulièrement compliquée ! Impossible de crucifier un saucisson. Même quand on est romain.

Claudel disait : « Quand je vois Jésus sur la croix, les bras m’en tombent. » Qu’aurait-il pu dire, ce poète de la consternation, si sur la croix il avait vu un saucisson ? »

 

« Car moi aussi les femmes m’ont fait souffrir. Parfois en me quittant, d’autres fois en ne me quittant pas. »

 

Pourquoi ne gardes-tu pas le secret de ton suicide ? Ta mort est à toi. A ce moment, tu ne dois plus rien à personne, ni regard ni pensée ni explication. Ne perds pas tes derniers temps et le peu de ton souffle à rédiger une lettre surtout si tu n’es pas sûr de ton orthographe.

 

« Un homme avait trouvé le cadavre d’un enfant sur les rives du Danube. Il lui a donné son nom. La croix de cet enfant n’est pas anonyme. »

Si le cœur vous en dit, rejoignez le groupe Facebook consacré à Franz Bartelt  pour échanger avec d’autres lecteurs afficionados de l’auteur.  Véronique nous conseille aussi de regarder : un entretien récent avec Franz Bartelt.

 

Franz Bartelt, L’Année à treize lunes, Editions de l’Arbre Vengeur, 2024

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