Parce qu’aucun animal ne nous appartient, de Véronique Janzyk

19/01/2023

Il y a quelques semaines, nous avons rencontré Véronique Janzyk en vue d’évoquer avec elle son dernier livre  Parce qu’aucun animal ne nous appartient, paru aux éditions « ONLIT ».

Véronique est chargée de Communication à la Province de Hainaut. Elle accueille régulièrement des auteurs pour le réseau des bibliothèques louviérois et anime aussi des ateliers d’écriture. Elle a publié plusieurs livres dont Auto (La Chambre d’Échos), La Maison (Fram) ainsi qu’un recueil, Cardiofight, intégré dans Trois poètes belges, avec Antoine Wauters et Serge Delaive. Elle est enfin l’auteur de J’ai senti battre notre coeur, La Robe de nuit et Vincent « également parus chez ONLIT.

Véronique Janzyk est une plume prolixe, pour qui écrire est tout autant un geste essentiel qu’une sorte de rituel.

« Je dois toujours avoir un sujet que je porte dans un coin de ma tête et sur lequel écrire, sinon, je ne me sens pas bien, je suis comme incomplète. C’est primordial pour moi ! »

Ce sont les aléas de la vie avec ses rencontres et ses secousses qui font généralement poindre les nouveaux sujets qui seront mis en mots par elle. Car dans ses livres, Véronique Janzyk nous confie souvent un peu de son intimité, comme dans « la Robe de Nuit », un texte émouvant qui abordait l’hospitalisation de sa maman suite à une chute.

C’est à nouveau un peu d’elle-même qu’elle nous souffle ici, avec un livre qu’on reçoit comme une caresse.

Cet ouvrage est une sorte d’anthologie de connivences improbables entre humains et animaux. Il y est aussi question des nombreux sauvetages que l’autrice accomplit spontanément, sans jamais tergiverser. Défilant sous nos yeux, des êtres parfois farouches se succèdent pour former un drôle de cortège. Derrière une profonde vigilance teintée de délicatesse, se cache un intérêt sincère pour l’autre, quel qu’il soit. Cette évidence se révèle page après page : chaque vie compte et tous ces êtres sont dignes d’être accompagnés. Ces moments partagés nous enseignent des facettes de notre humanité tandis qu’au départ, il s’agissait simplement d’aider ou de protéger quelques animaux.

Tropico

Souvent les descriptions des animaux qu’elle évoque sont floues, mais nous avions très envie de les connaître, nous sommes allés puiser quelques portraits de tous ces héros, sur la page Facebook de Véronique, ils illustrent notre chronique… Mais pour elle, l’apparence n’a pas d’importance et ce qui relie tous ces récits ne relève jamais de l’anthropomorphisme. Il est plutôt question de vies croisées, souvent affaiblies et qu’il faut assister. Ce sont des frôlements au goût de liberté, pas une recherche à apprivoiser l’autre pour le retenir, parce qu’aucun animal ne nous appartient justement. Ce texte est une invitation à se poser pour observer le monde qui nous entoure et accorder plus d’attention aux êtres cabossés que la vie met parfois sur notre route. Comme si s’ouvrir à eux nous permettait de nourrir notre propre souffle de vie.

Douce

On peut être étonné, voire même envieux face à toutes ces rencontres touchantes qui sont dévoilées, qu’il s’agisse du chien au pelage en pagaille qui deviendra « Douce », ou de « Tropico », coloré comme petit un arc-en-ciel… Mais ce que nous révèle ce recueil, c’est qu’il ne tient qu’à nous d’être affûtés au monde, pour vivre aussi ces moments privilégiés de partage. C’est d’ailleurs le sens de la citation de Gaston Bachelard qui introduit le livre : « Ce sont les animaux qui viennent à nous pourvu que nous leur fassions signe« . Cette complicité ne peut naître que si l’on est attentif aux autres.

« Les animaux ne connaissent pas l’instinct de mort, ils ne souhaitent que vivre » selon l’autrice qui se mue régulièrement en garde-malade au cours des histoires qu’elle a rassemblées ici. « Si je peux faire quelque-chose pour leur venir en aide, je dois absolument le faire, c’est très important pour moi, et je pense que c’est lié à un sauvetage que je n’ai pas pu accomplir lorsque j’étais enfant, parce qu’on ne m’y a pas autorisée « .

Les différents parcours qu’elle nous retrace ont en commun le fait qu’ils paraissent simplement évident pour elle alors qu’à priori, il est assez extraordinaire d’héberger chez soi une petite poule malade qui semble pleurer, de pister en pleine rue un coq à l’air solitaire, de recueillir un chat incontinent ou de servir de transat à une oie somnolente… C’est sans doute ce que pensait M., l’un des protagonistes qui apparaît dans plusieurs nouvelles, lorsqu’il a fait la connaissance de Véronique Janzyk. On le découvre d’abord insensible à ces appels que lancent tous les non-humains, scandalisé parfois par tout l’intérêt que l’autrice leur porte. Puis, progressivement, sans doute à force d’avoir côtoyé toutes ces petites vies vacillantes en compagnie de son amie, lui aussi se verra témoigner de la sollicitude, d’abord envers Mouchette, une mouette en danger ramenée lors d’une balade à la mer, qu’il rêvait sans doute plus romantique .

Mouchette

« Ce qui est fascinant chez les animaux, c’est la manière avec laquelle ils mobilisent toute leur intelligence pout communiquer avec nous, sans parler, ils sont comme de petits laboratoires qui nous enseignent énormément sur nous-mêmes, c’est aussi pour cela qu’il peut sembler important de toujours agir pour eux, sans jamais passer notre chemin ».

Nourris du quotidien, les récits que Véronique couche sur le papier l’accompagnent tout d’abord au long de ses journées, tandis qu’elle nage ou qu’elle conduit. Elle les triture continuellement dans les replis de son esprit, maniant son texte dans sa tête. Lorsqu’elle se pose pour les mettre au monde, très tôt le matin, les mots se succèdent sans qu’elle ne doive plus trop jongler avec eux, offrant un texte déjà très abouti. La grande finesse et la fluidité de son écriture sont sans doute la conséquence d’une forme de discipline qui scande ses journées : levée bien avant l’aube, pour écrire, pour lire aussi, puis se rendre à la piscine, chaque jour, avant de rejoindre son travail.

« Autant que je m’en souvienne, j’ai toujours écrit. Dès l’âge de 9 ans, je tenais un petit carnet dans lequel je consignais les éléments de mon quotidien. J’y déposais beaucoup de moi, mais un jour ma mère a découvert ce journal et elle l’a lu. Elle était assez fâchée, car j’y livrais mon ressenti sur nos conflits aussi. Mais ce désir d’écrire ne m’a jamais réellement quittée, il fait profondément partie de moi ».

Comme enchevêtrés les uns dans les autres, les projets d’écriture de Véronique Janzyk l’habitent. En ce moment, elle travaille plus particulièrement sur deux textes dont l’un restituera quelques fragments de vie en compagnie d’un SDF vers qui Douce (la chienne qu’elle avait recueillie) l’a conduite un jour. Finalement ce qui transporte Véronique, c’est sans doute la vérité du quotidien, sa force vitale, loin de toute forme de comédie sociale.

Ses auteurs favoris, Franz Barteld et Christian Bobin, témoignent également de cette même quête de justesse au travers leurs narrations, en faisant l’éloge de la vie de tous les jours de manière simple et authentique. Elle nous les a chaudement recommandés alors nous allons nous y plonger.

Le livre de Véronique est disponible ici ou chez tous les libraires indépendants du réseau LIBREL.

 

 

 

 

Daisy Vansteene, Chargée de communication pour Hainaut Culture

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