Carte(s) blanche(s), ou l’exercice de la monstra-tion

La Maison de la Culture de Tournai est un lieu vivant qui, dans le cadre de ses missions développe avec assiduité, un axe consacré aux arts plastiques. Depuis que ses infrastructures ont fait l’objet d’une importante rénovation, une politique plus dynamique encore est mise en oeuvre sur place en termes d’exposition. Carte(s) blanche(s) est le fruit de cette intention. Un événement qui se veut laboratoire et crée des liens entre le monde académique et le tissu culturel. Pour cette première expérience, c’est l’Académie des Beaux-arts de Tournai qui a proposé à ses étudiants de l’atelier de peinture, piloté par Laurence Dervaux, de se jeter à l’eau. Les étudiants ont dans le cadre de leur jury de fin d’année, l’opportunité remarquable de pouvoir présenter leurs travaux au sein de la galerie de la Maison de la Culture.

Cet espace est animé par François Delvoye, qui travaille à la Maison de la Culture et au gré des projets se mue en commissaire d’exposition. Le lieu s’est transformé en une sorte de grand atelier, qui vit au rythme des jurys. Les oeuvres exposées sont les travaux des étudiants des différents cycles et leur accrochage est sans cesse remodelé, les installations retravaillées au fur et à mesure des examens. Pour cet exercice compliqué mais essentiel, les étudiants ont dû travailler de manière collective à l’élaboration d’une scénographie commune, préparant l’événement sur plans, faisant part de leurs propositions d’aménagements de cimaises, imaginant une narration et des connexions entre leurs travaux. Ils sont également personnellement responsables de l’accrochage de leurs oeuvres, assistés par leurs professeures, Laurence Dervaux et Priscilla Beccari. Les deux artistes et pédagogues conseillent, écoutent et apportent leur regard bienveillant aux futurs diplômés.

C’est vraiment un cadeau qui leur est fait, de pouvoir travailler d’une manière totalement professionnelle, ici à la Maison de la Culture, avec le regard aiguisé d’un vrai commissaire, qu’est François Delvoye, souligne Laurence Dervaux.

Notre idée avec cette carte blanche, est de pouvoir travailler sur plusieurs de nos missions de centre culturel, en proposant non seulement de mettre en avant la jeune création contemporaine, mais aussi, en documentant, en réalisant un catalogue, de garder une trace des toutes ces propositions qui sont pour nous le patrimoine de demain,  précise François Delvoye. Moi je suis fasciné de voir à quel point le mouvement, crée du mouvement, les étudiants bougent, travaillent, montent, démontent et leurs gestes attirent les regards du public, qui intrigué, vient découvrir leur travail, et éventuellement en parler avec eux.

Lors de notre passage, trois étudiants sont sur place. Nous les avons rencontrés pendant leur montage et on vous invite vivement à aller découvrir leurs oeuvres et plus encore à échanger avec elles et eux. Nous avons dialogué avec Lorenzo Angelillo, Lilian Salaun et Corentin Delcourt qui participent à cette belle aventure, mais d’autres travaux sont à y découvrir. Chacun et chacune dépose dans ce laboratoire une part importante de lui ou d’elle-même en confiant aux regards des visiteurs le fruit de ses questionnements.

Quand nous passons, Lilian prépare encore avec soin l’accrochage de ses objets, aux formes parfois complexes et ayant nécessité beaucoup de technique et de réflexion, comme son grand parchemin, de 8 mètres de long, peint dans l’espace exigu d’une chambre à l’encre de chine, sans recul, et amené à la galerie enroulé. Au cours de cet exercice, l’étudiante doit défendre et argumenter ses propositions de mise en place, mais aussi avoir avoir à l’esprit la nécessité de trouver des points d’accroche pour le regard des visiteurs à venir. Elle doit faire cohabiter des dispositifs très graphiques, rythmés, des techniques multiples telles que la peintures, l’estampe, l’objet découpé. Stimuler des liens entre des créations monochromes épurées et des des représentations aux lignes plus complexes, teintées de rouges, de noir, qui se répondent, parfois s’opposent. La difficulté est palpable, elle répond à la tension sur laquelle Lilian travaille, entre pulsion, répulsion, organisme minéral et végétal, boursoufflure et creux…

Plus loin, Lorenzo s’active lui aussi. Ses recherches intègrent un élément facilement repérable : le bowling. Un sport dans lequel il a puisé la force et l’énergie de guérir un corps malade, en travaillant sur sa gestuelle, grâce à la force métaphysique portée par l’objet sphérique que sont les boules de bowling. Pour le jeune plasticien, le bowling est une extension de la peinture, et l’acte du lancer un mouvement exigeant en termes de concentration, d’implication, comme dans la pratique artistique. Les sphères plastiques aux couleurs acidulées, moirées, se muent dans son récit en un alignement de planètes, astres bienfaisants qui amènent une énergie guérisseuse à l’artiste-joueur qui les manipule. Au-delà de la technique et de la spiritualité il y a aussi les liens riches et précieux que fait naître la pratique entre ses adeptes assidus. Il en parle avec beaucoup de conviction et nous émeut.

Corentin est un infatigable collecteur, qui puise dans la banalité du quotidien des fragments qu’il étudie pour en révéler un semblant de vie ou du moins de vécu. Recherchant partout le signe d’une âme, une essence naturelle, il démontre la beauté plastique de ses miettes récoltées ici et là, en changeant l’échelle de nos observations.  Ainsi sa collection chaude exulte de vie dans un ensemble de clichés intrigants qui sont des agrandissements découpés à coup de passe-partout. Plus loin, il joue sur les échelles temporelles, s’éloignant de nos repères humains. Les fragments de charbon de terre, apparemment simples minéraux morts, condensent une impressionnante quantité éteinte de matière autrefois grouillante de vie. Même inanimé, Corentin nous convainc que ce cycle éteint, peut encore et toujours être prolongé, comme en témoignent ses centaines d’empreintes qui a leur tour recréent un mouvement, un rythme. Derrière toutes ces récoltes, il y a aussi les rêveries de Corentin, sa connexion avec un territoire, durant ses heures d’arpentage le long du fleuve, dans les parcs de Tournai, dans ses villages périphérique. Documentant la récolte, une cartographie synthétisée, restitue les lieux d’errance, montre l’amplitude des déplacements, finit par former un réseau qui ressemble à une constellation qui adhère au sol tout en constituant un réservoir de matières, scellées maladroitement dans de petits réceptacles qui prennent des allures de capsules spatio-temporelles. Elles nous invitent à nous interroger sur les formes que pourraient révéler leur contenu si elles restent en sommeil mais qu’un jour le plasticien les réveille, comme il en a le secret.

Les expositions deviendront immobiles une fois les jurys passés, c’est à dire à partir du 18 juin.

Les étudiants animeront une visite destinée au public le 15.06 à 11H

Le 21.06 à 14h, une rencontre est prévue avec les jeunes artistes, en compagnie de Laurence Dervaux.

L’exposition est ouverte du 06.06 au 28.06 du mardi au vendredi de 10h à 18h, les samedis de 9h à 13h.

Infos

Carte(s) Blanche(s) aux étudiant.es de l’option peinture de l’ESA Académie des Beaux-Arts de Tournai.

Galerie de la Maison de la Cutlure

Avenue des frères Rimbaud 2

7500 Tournai

 

 

 

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