Suspendus aux « Villes invisibles »

Le 11 juin prochain, nos collègues vous proposent d’embarquer vos rêves vers des villes imaginaires, dans le cadre de l’exposition consacrée aux recherches de Michele De Lucchi et de son studio multidisciplinaire AMDL CIRCLE : Futuro Gentile – Un futur aimable

Le temps d’une rencontre, nous vous invitons à écouter les mots d’Italo Calvino, interprétés par l’animatrice et comédienne Christine Mordant, du Secteur Education permanente et Jeunesse de la Province de Hainaut. Elle a extrait les textes les plus stimulants du célèbre ouvrage « les Villes invisibles » paru en 1972 et vous en donnera une lecture. Découvrez 55 villes imaginaires, plus incroyables les unes que les autres ! 

Les Villes invisibles

Dans ce récit poétique, Italo Calvino construit un dialogue fertile entre l’empereur Kublai Khan et Marco Polo. Un entretien dont l’objet est une formidable description des villes conquises par le Prince. Ce dernier règne en effet sur un domaine si étendu, qu’il est bien incapable de le parcourir dans son ensemble et qu’il a chargé l’explorateur de voyager pour lui afin de lui offrir une esquisse de son empire.

Octavia, (c) Rebecca Chappell

En voici un court extrait dans lequel Marco Polo décrit la cité d’Octavie… un texte à la base de l’animation proposée ce dimanche 11 juin au CID Grand Hornu :

Si vous voulez me croire, très bien.

Je dirai maintenant comment est faite Octavie, ville-toile d’araignée.

Il y a un précipice entre deux montagnes escarpées : la ville est au-dessus du vide, attachée aux deux crêtes par des cordes, des chaînes et des passerelles.

On marche sur des traverses de bois, en faisant attention à ne pas mettre les pieds dans les intervalles, ou encore on s’agrippe aux mailles d’un filet de chanvre. En dessous, il n’y a rien pendant des centaines et des centaines de mètres : un nuage circule ; plus bas on aperçoit le fond du ravin. Telle est la base de la ville : un filet qui sert de lieu de passage et de support. Tout le reste, au lieu de s’élever par-dessus, est pendu en dessous : échelles de corde, hamacs, maisons en forme de sacs, porte-manteaux, terrasses semblables à des nacelles, outres pour l’eau, becs de gaz, tournebroches, paniers suspendus à des ficelles, monte-charges, douches, pour les jeux trapèzes et anneaux, téléphériques, lampadaires, vases de plantes aux feuillages qui pendent. Suspendue au-dessus de l’abîme, la vie des habitants d’Octavie est moins incertaine que dans d’autres villes. Ils savent que la résistance de leur filet a une limite.

L’architecture « naturalisante » de Michele de Lucchi

Crown Station – Earth Stations Interractors 2018 (c) Filippo Bolognese images

Les mots d’Italo Calvino entrent parfaitement en résonance avec les travaux menés par l’architecte visionnaire Michele De Lucchi autour de l’évolution des besoins de l’être humain et de son ambition à offrir au public un imaginaire confiant dans ses capacités à appréhender l’avenir.

Pour ce fertile et fervent défenseur d’une architecture agissant en harmonie avec la nature, il faut s’éloigner des visions dystopiques martelées par les médias et se poser pour tracer des lendemains doux et rassurants. Michele de Lucchi exige que l’on garde à l’esprit la responsabilité qui est la nôtre de livrer aux prochaines générations des cités mettant à l’honneur les savoir-faire, les rêves, la pensée humaniste.

Il y a quelques années déjà, j’ai compris que je devais avant tout « désapprendre » que le métier d’architecte consiste à ériger des murs. Les murs sont horribles. Ce sont les objets les plus négatifs que l’on puisse placer sur cette planète. Les murs sont un moyen de nous séparer, de séparer ma propriété de la vôtre, le public du privé, la cuisine de la salle de bain du salon. Je pense que l’architecture pourrait changer radicalement si nous commencions à penser que les murs devraient être construits pour rassembler les gens – pour faciliter la collaboration entre les gens et créer une société plus efficace et plus heureuse. Extrait de l’interview accordée par Michele de Lucchi au CID, à découvrir dans son ensemble au sein du dossier pédagogique de l’expo.

Les salles consacrées à cet architecte-philosophe, qui interroge sans cesse notre monde, sont un formidable terrain de jeu pour qui veut vagabonder et s’inventer des cités plus radieuses.

Vue de l’expo « Futuro Gentile » au sein des Ecuries du Grand Hornu. Les Earth Stations.

AMDL CIRCLE et Michele De Lucchi imaginent des édifices dont la fonction première est d’améliorer la symbiose entre l’homme et son environnement, en favorisant leur bien-être mutuel. Eloignés de toute intention de dompter la nature souveraine, ces chercheurs envisagent au contraire de poser dans leur pratique de bâtisseurs des actes réversibles, aux conséquences favorables à tous. Les espaces qu’ils structurent au travers leurs recherches sont pensés comme des gestes doux et réfléchis. Prônant une architecture naturalisante, ils imaginent des lieux pouvant redevenir une sorte de terreau fertile où pourra germer le monde d’après-demain.

Un design humaniste

Pour habiter nos lieux de vie, Michele de Lucchi expérimente depuis 1990 la fabrication de mobilier et accessoires produits en marge des règles du marché qui contraint trop souvent le génie créatif et technique. Aux côtés de Sibylle Kicherer, avec la Produzione Privata, il s’aventure vers de nouveaux cycles et laboratoires de création. Dans ces ateliers où l’on prône l’intelligence du geste, on travaille avec authenticité et spontanéité, la céramique, le métal, le bois, le verre, le textile…

Une sélection d’objets de la Produzione Privata est mise en scène au Grand Hornu. En contournant le grand rideau qui les protège, on se tient soudain au cœur d’un éden. Ici des fleurs, dentelles de métal ciselé, frémissent au rythme de nos pas, là des vases aux galbes généreux réfractent les lueurs des lampadaires aériens. Arpenter le Magasin aux foins de l’ancien charbonnage est une expérience apaisante qui nous projette dans un ailleurs ludique et chaleureux.

Le 11 juin, nos collègues vous proposeront de déambuler au sein des salles qui accueillent « Futuro gentile » tout en ponctuant la visite par une lecture en français et en italien des Villes invisibles par Christine Mordant et Daniela Albis.

Comme on peut l’imaginer, ce texte exprimé par Italo Calvino il y a 50 ans a déjà inspiré de nombreux artistes !

Expérimenter d’autres cités plus radieuses

En préparant cette animation, je me suis rendu compte, en fouillant la toile, combien ce livre avait suscité une multitude de représentations des villes ( invisibles ) décrites, chacune portant le nom d’une femme : artistes professionnels, amateurs, enfants, adultes, qui ont dessiné, peint, sculpté, photomonté, collé… etc . Je choisissais alors de « présenter » ces représentations.
Mais plutôt que de projeter des images collectées sur le net des réalisations  » d’inconnus » et parce que j’ai toujours eu dans le cadre de mon travail le souci de mettre en valeur « les gens de chez nous », je décidai de proposer autour de moi un jeu : « représenter une ville du roman, Octavia » nous confie Christine Mordant.

(c) Cassy Liberge, Projet de groupe – maquette sensible

Christine Mordant a donc lancé l’appel suivant sur les réseaux : « Laissez vous faire par les mots de Italo Calvino, (en français et/ou en italien ! ) et à vos pinceaux, marqueurs, crayons, ciseaux, colle, images, etc. A vous de…voir… d’imaginer…de représenter….créer ! »

Son message a incontestablement porté ses fruits puisque nombreuses sont les personnes à lui avoir transmis une œuvre inspirée de la description d’Octavie. Rassemblées par Christine Mordant, ces créations artistiques réalisées dans le cadre de son jeu « Portrait d’une ville« , seront présentées aux visiteurs ce 11 juin, au terme de la visite et permettront un moment d’échanges rehaussé par une dégustation de spécialités italiennes.

Vous pourrez, entre autres, y admirer les Octavie aux multiples contours de :

Salvatore Bolognino
Alain Breyer
John Bulteel
Jean Guy Closet
Virginie Claes
Antonio Cossu
Daniel Decot
Fabienne Deruyck
Samuel Dionkre
Philippe Dubit
Nathalie Dubois 
Ateliers de l’Echeveau
Isabelle Linotte
Rino Noviello
Maria Puleo
Marie Hélène Sigart

(liste non exhasutive)

Infos

Public : Ados/adultes
Tarif : 10 € / 5 € étudiants
Gratuit pour les papas ! 😉

Réservation au 065/613.902 ou reservations@grand-hornu.be avant le 7 juin 2023.

Cette activité est un partenariat entre le CID et notre Secteur Education permanente et Jeunesse.

Ne manquez pas ce moment, et réservez votre voyage vers ailleurs…

Il n’est pas obligatoire d’avoir lu l’ouvrage pour participer à l’atelier. L’envie de partager un moment convivial d’échanges est le seul prérequis.

 

 

Daisy Vansteene, Chargée de communication pour Hainaut Culture

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