Le BPS22, musée d’art de la Province de Hainaut accueille pour quelques jours encore une exposition d’ampleur consacrée à l’œuvre foisonnante du plasticien français Alain Séchas.
Première grande présentation muséale en Belgique, « Je ne m’ennuie jamais… » réunit plus de 230 œuvres, oscillant entre dessins, sculptures et installations. L’événement souligne combien la pratique de cet artiste, si singulière au sein du paysage contemporain et bien qu’ayant exploré de nombreuses techniques au fil des années, a su rester spontanée et cohérente. Ludique et attractive, son apparente simplicité de traits et de formes, cache une richesse conceptuelle et une audace qui révèlent à quel point Séchas est habile à attirer nos regards pour questionner le monde.
Le dessin décliné à l’infini
Pour Alain Séchas, tout part du geste premier, de l’expression radicale. Ses dessins ne se contentent pas de figurer : ils racontent, interrogent et provoquent magistralement. Pour s’en rendre compte il faut explorer la fourmillante galerie de croquis des « Insta Dessins » qui s’étale sur plusieurs mètres dans le couloir qui mène vers la mezzanine, en surplomb des grands halls.
Ces œuvres fluides et impulsives produites pendant le confinement, teintées d’humour ou de mélancolie parviennent avec une grande économie de traits à saisir des situations du quotidien ou de l’actualité pour capter l’attention du spectateur.
Même lorsqu’il dépose ses feutres, ses pinceaux imbibés d’acrylique, son papier et que ses recherches quittent la feuille, les traits demeurent pour envahir les volumes, transformant les sculptures en véritables « dessins en trois dimensions ».
Dénoncer avec drôlerie
Les personnages anthropomorphes de l’artiste, sous une apparente simplicité expressive jouent avec l’ambivalence : ce sont des figures souvent attendrissantes et affables mais capables de basculer dans des positions inquiétantes. À l’image de ce grand matou figé comme un pantin inoffensif pourtant armé d’un pistolet sur fond de banlieue désertée, tout aussi tragique qu’étrange. Sa légèreté désamorce le drame qui se joue en filigrane, tout en nous interpellant.
À quelques pas de lui, un Martien brandit un hamburger qu’il s’apprête à dévorer avec un enthousiasme enfantin. Cet « homme vert », figure par excellence de l’altérité, interroge nos comportements consuméristes et leurs conséquences. Eclatant autant qu’intrigant le petit être nous attire irrépressiblement dans sa spirale colorée pour mieux nous jeter à la face les dangers de la malbouffe à laquelle nous succombons trop facilement.
L’humour, instrument ultime de réflexion
Alain Séchas revendique un humour tourné vers l’autre, qui s’oppose à de l’ironie. Observant les individus pour en pointer les failles et les faiblesses, ils les contextualisent pour en faire des sortes d’archétypes intemporels. Ses œuvres drôles au premier abord laissent souvent place à des réflexions graves voire inconfortables. C’est le cas de « Professeur Suicide », une installation où un enseignant en ballon de baudruche initie ses élèves à des gestes destructeurs. Derrière l’absurde, l’artiste pointe la fragilité des cadres sociaux et éducatifs.
Un accrochage hyper attractif
Les multiples ambiances qu’offrent les salles du BPS22 livrent une très belle lecture des œuvres aux formes et échelles si variées. Dans les grands halls bruts et lumineux, les formats de plus grande ampleur, comme « Jurassic Pork », sont tout simplement magnifiés.
Tandis que plus loin, dans l’annexe, caisson immaculé coupé du monde, d’autres œuvres telles que « Mister Mazout », dialoguent avec le visiteur, dans un jeu plus intimiste.
La mise en scène immersive met en lumière la diversité des techniques explorées par Alain Séchas. En revisitant des médiums classiques comme la peinture, souvent en tension avec le dessin sous-jacent, il propose des compositions hybrides où abstraction et figuration cohabitent ou se relaient, comme dans ses séries récentes « Monaco » ou « Last Cocktail ».
Ne tardez pas à plonger dans l’univers hors normes d’Alain Séchas
L’exposition « Je ne m’ennuie jamais… » s’achève le 5 janvier 2025. À l’occasion de ce dernier premier dimanche du mois le musée vous ouvrira ses portes gratuitement et vous proposera même une visite guidée gratuite menée par Pierre Olivier Rollin, directeur du BPS22 et Commissaire de l’exposition consacrée à Alain Séchas.
Profitez-en également pour vous attarder sur le remarquable travail de l’artiste textile Juliette Vanwaterloo à qui nous avons consacré un texte récemment.
Infos
BPS22 – Boulevard Solvay, 22
6000 Charleroi
+32 71 27 29 71 ou info@bps22.be
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