Notre bourse aux artistes comme tremplin
En avril dernier, nous avons évoqué ici une remarquable publication conçue par Andy Simon, l’un des lauréats de la première bourse aux artistes investis dans la culture en Hainaut. Vous vous en souvenez peut-être, cette bourse a été initiée par la Province de Hainaut dans le but de soutenir les créateurs durant la crise sanitaire, en finançant certains de leurs projets tant dans le domaine des arts plastiques que dans celui des arts de la scène ou de la musique.
L’édition proposée par le photographe tournaisien reposait sur une indexation iconographique de tous les terrains de balle pelote localisés en Wallonie et dans le Nord de la France. Car de manière très méthodique, voire scientifique, à l’image des campagnes photographiques menées par Bernd et Hilla Bescher, Andy Simon a entrepris depuis quelques années de dresser un inventaire des emplacements marqués et dédiés aux luttes de balle pelote. Une recherche artistique qui peut sembler curieuse, mais pas tant que cela quand on interroge le porteur du projet sur sa proposition.
« Je pratique ce sport depuis l’âge de 5 ans et demi, c’est une passion familiale assez ancrée chez moi, et j’essaye de la transmettre à mon tour, de différentes manières. Etant artiste, je me suis forcément questionné sur l’esthétique et le rôle social de la balle pelote. Pour garder une trace de ce patrimoine et le faire rayonner, je tente de localiser tous les terrains, ensuite, j’applique un protocole, en photographiant les ballodromes et en le faisant systématiquement dans les mêmes conditions : ciel gris, nuageux, de manière à donner la même importance à tous les éléments qui constituent la scène».
Le souhait de ranimer une pratique populaire
Diplômé de l’Ecole de Recherche Graphique (Bruxelles) après avoir étudié à Saint Luc, Andy Simon, s’interroge depuis pas mal de temps sur l’effritement de la mémoire liée à la pratique de ce jeu/sport. Comment un sport si populaire il y a quelques décennies, ayant tant marqué le territoire de son emprunte en parsemant le sol de ses lignes de marquage, a-t-il pu être relégué au statut de « jeu démodé » en l’espace de si peu de temps ? Qui se souvient encore des luttes animées qui se livraient au cœur de presque tous nos villages ? Pourquoi les traces des terrains s’effacent-elles irrémédiablement de notre environnement, au gré des remaniements urbanistiques de nos cités ? Est-il inexorable que le langage lexical et les règles du jeu tendent à se dissiper peu à peu ?
Partant de ce constat d’une sorte d’amnésie autour de la pratique de ce jeu/sport, et ayant le sentiment qu’un pan important de notre histoire collective s’en trouve dénaturé, le photographe s’est associé à Théo Hanosset et au Studio Ursa Major afin d’élargir le champ de la recherche en portant un regard plus ambitieux sur elle.
« Etant à la croisée de deux univers : celui des plasticiens et celui des acteurs vivant à fond la balle pelote, on s’est suis rendu compte que ces deux mondes ne se rencontraient pratiquement jamais et on a évidemment eu l’envie de les faire entrer en collision ».
Un ensemble de gestes artistiques engagés
C’est de cette manière qu’il a eu l’idée d’inviter une série de jeunes plasticiens à poser leur regard sur ce phénomène.
Avec l’aide de la Maison de la Culturelle d’Ath, Andy et 5 artistes sont entrés en résidence durant l’été dernier et ont travaillé autour de la balle pelote ou plus précisément autour des ballodromes. C’est le côté extra-sportif qui les a principalement intéressés, tout ce qui se déroule en dehors des matchs donc et qui contribue à enraciner la balle pelote dans un territoire, à la maintenir, en la rendant omniprésente, en lui donnant une portée sociale, en permettant d’éventuellement la placer culturellement dans le domaine de l’art contemporain.
Les créations de Théo Hanosset, Marianne Dupain, Léo Gillet, Samuel Cordat, Aliocha Tazi et Andy Simon ont été rassemblées au Palace sous la forme d’une exposition dont le titre renvoie à un moment clé des luttes, qui se déroule en dehors du terrain. « L’heure des citrons » c’est cet instant durant la mi-temps où les joueurs se réunissent pour reprendre des forces en mangeant des quartiers d’agrumes.
Fait remarquable, ces plasticiens ne connaissaient pas pour la plupart cette pratique et ses prolongements et l’ont tous appréhendé de manière sincèrement originale.
Marianne Dupain a créé un ensemble de sculptures évoquant des objets repères, ceux qui créent des connexions, des rassemblements entre les lutteurs de la balle pelote (vestiaires, marquoirs). Elle a aussi livré une performance piquante et documentée sur les règles du jeu de balle et une tentative d’argumentation autour du fait que la discipline n’est pas olympique.
L’installation mobile de Théo Hanosset s’est concentrée sur la grande porosité de la frontière que forment les délimitations du terrain. Il a imaginé un dispositif plastique permettant la projection d’un support vidéo qui aborde le va et vient incessant entre espace de jeu et espace public durant une lutte.
L’illustrateur Léo Gillet, sensible surtout au folklore, a choisi de représenter toute la « banalité » d’un sport assez méconnu dans d’autres parties du pays, en illustrant tout ce qui se déroule autour d’une lutte de balle pelote, mais en portant son attention sur d’autres éléments que le jeu en lui-même. Il retrace l’ambiance musicale, les tombolas, les discussions entre spectateurs.
Samuel Cordat, skateur et donc adepte lui-même des pratiques sportives dans l’espace public a conçu son intervention comme un manifeste s’insurgeant contre la privatisation des espaces collectifs destinés de plus en plus à des usages purement utilitaires. Il souhaitait dénoncer dans ses peintures la rentabilité attendue des territoires publics, qui ne les autorise plus à rester de simples lieux de rencontres, d’échange, de jeux.
Aliocha Tazi a conçu un objet questionnant les aspects éphémères de la scénographie de l’espace du jeu. Il voulait souligner un paradoxe : la balle pelote est un sport qui investit ponctuellement de manière très forte le domaine public avec son déploiement de chaises et de gradins mais qui dès qu’on siffle la fin du jeu, n’a plus d’existence tangible, tant son terrain est oublié entre les matchs. Il a imaginé une œuvre conçue dans un matériau issu des carrières de Maffle qui témoigne de cette ambivalence du lieu, et qui devrait être maintenu de manière pérenne.
Parce qu’on défend ce que l’on connaît : ballotons tous!
Puisque cette exposition est avant tout un prétexte à renforcer la connaissance et la pratique de la balle, sans la décortiquer mais en la faisant entrer dans le champ de l’art contemporain, il était indispensable d’y lier un ensemble de moments destinés à susciter des rencontres. Plusieurs animations, destinées à des publics variés auront lieu jusqu’à la clôture de l’exposition, grâce à la Maison culturelle d’Ath.
Le 09.10 dès 10h : Dimanche en famille (dès 8 ans).
Complicité, sport et art… Une matinée riche en surprises avec une initiation à la balle pelote suivie d’une visite d’expo créative !
Le 18.10 à 14h30 : Conférence de l’Université du Temps Disponible
« La balle pelote au cœur de notre région ». C’est tout un univers de passion que l’historien Benoît Goffin fait vivre et revivre : celui du monde de la balle pelote, un patrimoine immatériel qui a tant marqué et marque encore notre région.
La conférence sera précédée à 13h45 de la visite de l’exposition.
Les mercredis 26.10 et 2.11, de 9h à 16h : Stage d’un jour (De 8 à 12 ans)
Le temps d’une journée, plongez dans l’univers passionnant de la balle pelote. Le matin, initiation à la balle pelote et l’après-midi, visite de l’exposition qui parle de ce sport typique de nos régions.
Le samedi 19.11 à 18h30 : Apéro Tapas (COMPLET!)
Venez prendre l’apéro au Palace avant le concert de Baï Kamara Jr et visitez l’expo en compagnie d’un guide, tout en dégustant de savoureuses tapas.
INFOS
Le Palace
4, Rue de Brantignies
B 7800 Ath
32 (0)68 68 19 99
mca@mcath.be
Daisy Vansteene, Chargée de communication pour Hainaut Culture