Christine Mordant, élevée à l’éducation populaire

30/08/2023

Christine Mordant qui est un peu l’aînée de nos équipes d’animation et du Secteur Education permanente et Jeunesse, prendra dans un an le chemin d’une retraite bien méritée… Nous avons souhaité la rencontrer pour évoquer avec elle son formidable parcours au sein de nos services.

Une douce initiation

L’éducation permanente, on peut dire qu’elle est un peu tombée dedans quand elle était petite. Elle aime à dire que c’est une sorte de gène familial, car elle est venue au monde et a grandi à Frameries et Boussu au cœur d’une famille d’enseignants, eux-mêmes éducateurs populaires. En compagnie de ses frère et sœur, elle a fréquemment accompagné ses parents à l’œuvre sur le terrain.

 Je peux affirmer que l’éducation populaire a toujours été une manière de vivre et de penser au sein de notre petit noyau familial du Borinage, se souvient notre collègue. Nous allions aussi régulièrement durant l’été, à Baratier, dans le Dauphiné, où mes parents étaient moniteurs de vacances pour les enfants porteurs d’un handicap.

Pour rappel c’est là que se situe le Val d’Ubaye, un centre de vacances créé dans les années 70 par la Province de Hainaut, dans le but de rendre accessibles les loisirs au plus grand nombre, dans une logique de tourisme social.

Passionnée par l’expression

Initiée très jeune aux plaisirs de la lecture, Christine Mordant se passionne assez rapidement pour le théâtre. Participant assidument aux colonies de vacances et plaines de jeux, elle devient de fil en aiguille aide-monitrice, puis monitrice, et enfin animatrice. Lorsque vient le moment de choisir un parcours d’études, elle se tourne naturellement vers l’enseignement normal et devient régente en Français, Histoire et Morale laïque.

 Lorsque j’ai découvert le théâtre, j’ai voulu étudier au Conservatoire, mais à l’époque, on n’embrassait pas facilement ce genre de carrière, je me suis donc tournée plutôt vers un cursus qui me garantirait un diplôme et certainement un travail… selon la volonté des parents. Mon choix s’est porté sur l’Ecole normale de l’Etat à Mons, parce que dans le programme figuraient des cours de déclamation. J’y ai rencontré des professeurs formidables, dont l’illustre Daniel Blampain, qui m’a formée au structuralisme. Le théâtre quant à lui, je l’ai appris avec passion sur les planches !

Photo Olga Novak.: happening Projet Julius Kock, Koma asbl, Mons 2015.

Sortie de l’école dans les années 80, un peu désabusée, elle se retrouve comme de nombreux enseignants au chômage, mais il lui est impensable de rester à rien faire, elle se retrouve alors en dispense de pointage au sein de l’Administration communale de Saint Ghislain, où elle effectue différents travaux. Jusqu’au jour où elle est mobilisée sur un projet de spectacle initié par les autorités communales, dans le cadre de l’anniversaire de la fondation de la Ville de Saint Ghislain.

La Province de Hainaut soutient ce programme en y associant un metteur en scène et animateur au sein de ses services, qui n’est autre que Michel Tanner. Elle travaillera durant deux dizaines d’années à ses côtés, d’abord avec des contrats financés par l’ONEM, ensuite en tant qu’agent provincial. À cette époque, la Fabrique de théâtre n’existe pas encore, on parle du Service de la Diffusion intellectuelle et artistique qui deviendra le Service des Arts de la Scène… Christine Mordant est assistante, associée à de nombreux projets artistiques, s’occupant de tous les aspects liés à l’accueil des compagnies, à la diffusion, la communication et sur le plateau, le jeu et l’assistanat à la mise en scène. Elle finira par entrer dans le cadre culturel provincial et connaîtra ensuite le déménagement du 33 rue Paul Pastur à La Louvière vers La Bouverie et son ancienne fabrique de chaussures… Un job passionnant, avec la diffusion de 70 spectacles chaque année et près de 150 représentations…

Photo : Chantal Bouhière. Jean-Claude Derudder et Christine Mordant , 1997

Nous devions voir un maximum de créations, nous mangions du théâtre presque 7 jours sur 7, on opérait un choix, on gérait ensuite toute la diffusion en lien avec les centres culturels, on prenait en charge le cachet, la promotion, on équipait même parfois complètement des lieux pour les représentations… Nous étions en contact avec tout le territoire du Hainaut. Par ailleurs, j’étais aussi animatrice vacataire, autour d’œuvres théâtrales et je travaillais notamment aux côtés d’Elvire Brison pour le Centre dramatique hainuyer. Nous avons commencé avec le spectacle Silence Chavée…, parce que des écoles du côté de Charleroi souhaitaient des préparations en classe avant les représentations. À l’époque ça n’existait pas ! Nous avons commencé à faire les dossiers pédagogiques et créé sur mesure, des ateliers destinés à permettre au public scolaire, d’entrer dans une œuvre »

Tout au long de sa vie elle conservera un lien privilégié avec le théâtre, tour à tour metteuse en scène ou interprète.

Le monde en rayons

La collaboration avec la Fabrique se termine en 2004 et elle rejoint un an plus tard le Secteur de la Lecture publique. Elle est alors la seule animatrice à travailler aux côtés de ses collègues bibliothécaires. On la mobilise sur des animations très variées, autour de la lecture, souvent en partenariat avec des associations actives dans le domaine de l’éducation permanente.

J’apprécie plus que tout autre chose de pouvoir travailler avec des publics qui n’ont pas accès aisément à la culture. A la bibliothèque, j’ai rapidement été mise en contact avec Benoît Goffin, dans le cadre du projet Religions, t’y crois, t’y crois pas. C’était passionnant et tout à la fois très énergivore, je me souviens avoir lu des montagnes de références sur le sujet, en dehors des religions du livre et ouvrages traitant de la laïcité. J’ai aussi adoré faire cela, car j’avais pour moi le monde sur les étagères, il était possible de parler d’absolument tous les sujets lors des animations et comme je suis une insatiable lectrice, je m’y sentais comme un poisson dans l’eau ».

Puis en 2009, il y a la parution d’un décret important pour la lecture publique, qui élargit d’une certaine manière les missions des opérateurs et exige la mise en place pour la bibliothèque centrale, d’animations transversales destinées à favoriser le développement des pratiques de lecture. C’est dans ce contexte que Christine Mordant proposera à Pascale Vanderpère de travailler autour d’un thème profondément ancré dans le territoire du Hainaut : celui de la balle pelote. Un sport alors en déperdition, mais toujours profondément enraciné dans les mémoires des habitants de nos régions.

 « Animer c’est donner la vie »

Je suis à la base professeur d’histoire et de français, et passionnée de théâtre, et pour moi le point commun dans tout cela, c’est la mémoire et sa transmission. Voilà pourquoi j’adore animer, et lorsque je le fais, j’ai toujours dans un petit coin de ma tête cette phrase que prononçait souvent l’un de mes enseignants : sans racines, l’arbre meurt, nos racines, c’est l’Histoire ».

En compagnie de Benoît Goffin, elle coordonne le projet « Monde ballant, monde lisant » qui prendra une grande envergure, car partout où le binôme se rend, il éveille des souvenirs intimes. Une expérience enrichissante qui l’a menée à nouveau aux quatre coins du Hainaut, en lien avec les 17 bibliothèques locales associées et leurs publics. Au terme de ces deux années de terrain, il subsiste une exposition, un livre et un film de 52 minutes et bien évidemment des souvenirs foisonnants et des amitiés solides. Quand elle évoque cet épisode professionnel, on sent à quel point Christine Mordant est une collaboratrice motivée à apprendre encore et toujours, pour à son tour transmettre aux autres.

« Si un jour je ne peux plus rien apprendre, il faut me rayer de la surface de la terre. Je dois absolument pouvoir me nourrir l’esprit pour vivre »

Un jardin comme territoire d’expression

En 2016, Christine Mordant rejoint le Secteur de la Littérature dirigé par Françoise Delmez, parce que la Province de Hainaut souhaite poursuivre l’expérience de la Guinguette littéraire au cœur du jardin de la Maison Losseau dans le sillage de Mons 2015. Son profil, son énergie et sa motivation sont à la hauteur des attentes du public, puisqu’elle prolonge le rayonnement de cet événement littéraire et en fait un incontournable moment culturel estival. Aujourd’hui la guinguette a évolué et c’est Romain Delmotte qui la pilote, nous l’avons rencontré pour aborder avec lui « La Bringue chez Léon« .

Photo : Salvatore Akli Bolognino

Tendre un fil vers les parias de la culture

Il y a 6 ans, j’ai souhaité retourner à l’animation, qui constitue mon ADN. J’ai donc rejoint le Secteur Education permanente et Jeunesse. J’avais l’envie et le besoin de travailler au plus près des publics les plus éloignés de la culture et plus particulièrement des  adultes.

Sa particularité au sein de l’équipe d’animateurs permanents est de travailler principalement autour du livre et des mots. Les projets auxquels elle est associées émanent d’associations de terrain, qui souhaitent mettre en place des animations autour de la lecture ou d’autres secteurs culturels de la Province. Citons par exemple « Octavia », ou « Les femmes et la mine » qui ont rencontré un très beau succès lors de leur proposition au Centre d’Innovation et de Design au Grand Hornu. Elle continue également à donner des lectures dans les homes, dans les bibliothèques, et est en train de construire un cycle d’animations en partenariat avec le Centre culturel de la haute Sambre en lien avec un hommage à Roger Foulon. Christine Mordant anime aussi régulièrement des ateliers au sein de l’hôpital psychiatrique Saint Jean de Dieu à Leuze avec Laurent Bouchain. Depuis un an, elle se rend au service des doubles diagnostics. Elle y emmène de grands livres, des objets graphiquement attractifs, et propose donc à ce public traditionnellement exclu de la culture, un moment d’éveil, de connexion et de communication qui est selon elle l’essence même de l’éducation permanente.

Christine en compagnie de Zoé Luc, lors de l’animation « Les femmes et la mine », au Grand Hornu.

Quand on lui demande quelle est son animation rêvée, celle qu’elle n’aurait pas encore proposée, elle répond sans hésiter qu’elle n’en a pas en tête, parce qu’elle l’a probablement déjà faite. Elle conserve par contre en mémoire des projets parfois compliqués, comme ce spectacle monté avec des gamins d’Erquelinnes, exclus, en décrochage scolaire, vivant 7 jours sur 7 à l’orphelinat… Et puis au terme de longs mois de travail et de dialogue, elle revoit l’apothéose avec un spectacle génial, qui a dû aussi probablement marquer tous ces jeunes aujourd’hui devenus des adultes. Une collègue pas forcément pressée de prendre sa retraite, même si elle a réduit son temps de travail depuis quelques années, mais qui a le sentiment d’avoir accompli sa mission de service au public au cours de cette longue et belle carrière.

Christine Mordant n’a pas encore noirci toutes les pages de son dernier agenda professionnel, mais si vous souhaitez la voir collaborer à l’un de vos projets, ne tardez plus trop à solliciter son service, piloté depuis quelques mois par Anne Pagani.

Infos : https://sepj.hainaut.be/ 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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