Il y a quelques mois, nous avions évoqué ici la Fondation Duhem en compagnie de Bruno Gérard, qui a entre-temps quitté l’atelier de peinture de la Pommeraie, mais continue bien évidemment de promouvoir les actions menées par la fondation qui a vu le jour en 2016 sous son impulsion.
Son but est de pérenniser, protéger, promouvoir et étudier les œuvres singulières qui lui sont confiées. Sa vision s’inscrit dans la lignée de la défense de l’Art brut telle que prônée par Jean Dubuffet. Aujourd’hui, cette association conserve une collection riche de plus de 5000 pièces (sculptures, mosaïques, textiles, mais principalement des peintures) produites par une quarantaine d’artistes. Les œuvres qu’elle conserve figurent aux cimaises des plus grands musées car la fondation collabore régulièrement avec ces institutions pour l’organisation d’expositions temporaires.
L’un des axes de travail de la Fondation Duhem est l’édition.
Elle produit notamment des livres, des films et des outils didactiques dans le but de faire rayonner les artistes qu’elle valorise. Depuis quelques semaines, deux outils précieux sont à la disposition du public qui souhaite prendre la tangente et partir à la rencontre des plasticiens de l’art outsider.
Nous vous les présentons dans cet article, il s’agit de « Souvenir d’un coquelicot » et « L’Arche de la Fondation Duhem« .
Souvenir d’un coquelicot
C’est le titre poétique du film qui vient d’être produit grâce notamment au soutien de la Fédération Wallonie Bruxelles. Conçu comme une sorte d’enquête, ce moyen métrage part à la rencontre de différents protagonistes ayant côtoyé Martha Grunenwaldt qui est l’une des artistes de la fondation. Décédée en mars 2008, sa production vertigineuse s’est concentrée dans la toute dernière séquence de sa vie, et ses créations ont aujourd’hui rejoint les réserves du Lam à Villeneuve d’Ascq, de l’Art & marges musée à Bruxelles et de la Province de Hainaut. Bruno Gérard a toujours beaucoup apprécié l’œuvre de ce personnage étonnant dont le parcours est digne d’un roman. Sans jamais avoir osé la rencontrer, il a pourtant un jour reçu de la main de sa fille, Josine, une donation d’une centaine de dessins venus enrichir les collections de la Fondation.
« J’ai toujours trouvé qu’il y avait un décalage entre la biographie et l’œuvre de Martha …malheureusement souvent, l’art brut a besoin de désespérance pour que les choses soient bankable » confie Bruno Gérard.
Tendre et polychrome, la création de Martha Grunenwald est habitée d’égéries aux bouches impassibles mais au regard en alerte. Ses dessins qui s’épanouissent au dos d’affiches et de papiers de récupération sont composés de motifs richement ornementés. Les belles dames qui évoluent dans ses compositions semblent protégées par d‘opulentes forêts de plumes que parfois percent des oiseaux. La quiétude qui naît de cette poésie est à mille lieues des recoins équivoques que l’artiste a animé de son violon lorsqu’elle était gamine et que son père la traînait dans des bals pour gagner sa croûte. Retirée de l’école à l’âge de 9 ans, mariée très jeune, puis éloignée de son enfant qu’elle n’a pas élevée, elle atterrira ensuite comme « bonne à tout faire » dans une ferme-château où elle travaillera et logera jusqu’à la retraite.
C’est à l’âge avancé de 70 ans, recueillie par sa fille, qu’elle se saisira des crayons et pastels de ses petits enfants, pour faire fleurir sur le papier, un monde saturé de pigments et d’arabesques. C’est sur les pas de cette Martha appliquée et silencieuse que nous emmène le film Souvenir d’un coquelicot. La comédienne et réalisatrice Manon Pélissier, en donnant la parole aux personnes qui l’ont vue évoluer, dresse un portrait tout en nuances de Martha Grunenwaldt. Son film plein de délicatesse esquisse par touches successives, une fresque dont l’héroïne connait un destin banal et extraordinaire à la fois. En faisant resurgir des souvenirs partagés ou individuels, Manon Pélissier ne nous révèle pas une vérité absolue sur le chemin de vie de Martha Grunenwaldt. Mais elle accomplit néanmoins cette merveille de nous restituer toute la vitalité et l’incroyable obstination de cet infatigable caractère.
Le film est disponible en prêt via la Cinémathèque de la Fédération Wallonie Bruxelles et visionnable en ligne sur Vimeo (il vous suffit de demander le mot de passe auprès de la fondation pour le visualiser).
L’Arche de la Fondation Paul Duhem
La fondation veille aussi à promouvoir l’art auprès des enfants en développant du matériel pédagogique dans le but de décloisonner l’Art brut. En décembre 2021, elle a édité un jeu des 7 familles, mettant à l’honneur les œuvres de plusieurs artistes représentés au sein de sa collection. Bruno Gérard a récemment imaginé et écrit un livre qui s’adresse aux enfants de 6 à 9 ans. Une publication entièrement rehaussée d’œuvres de la fondation Duhem.
Les animaux constituent le prétexte idéal pour attirer les yeux enfantins. Quiconque a déjà dessiné en compagnie de jeunes enfants sait à quel point ils sont intrigués et sensibles aux autres espèces qui peuplent le monde. Partant de ce constat Bruno Gérard a sondé la collection de la fondation pour en extraire une sélection d’œuvres abordant cette thématique. Il faut avouer que les propositions sont particulièrement généreuses et inspirantes ! Aux côtés des traditionnels chevaux et autres mammifères, viennent se poser quelques oiseaux ou crapahuter des animaux fantastiques ou parfois mal aimés… les techniques sont elles aussi très variées et l’imagination des plasticiens, comme celle des enfants à ce sujet, sans frontières.
On désacralise l’art et le livre en conviant les enfant à y dessiner et colorier. Il s’offre dans tous les sens de lecture, tout ici est permis, puisqu’on l’a imaginé comme un objet à apprivoiser et à personnaliser. Quelques textes amenant l’enfant à se questionner sont associés aux images et sont accompagnés d’un glossaire où figurent les mots plus compliqués.
Imagine ton oiseau, invente ta propre histoire, devine ce que mange cet animal bizarre, découvre où se cachent les animaux… pas de consignes contraignantes, mais une invitation à s’emparer de ses crayons pour envahir les espaces libres ou imprimés sur le papier.
On l’aura compris ce petit carnet aux magnifiques illustrations est un formidable tremplin qui accompagne les enfants en une pirouette, sur les chemins de la création débridée.
Pour les enseignants qui le souhaitent, pour compléter l’exploration de ce joli livre, il est possible d’organiser des ateliers en lien avec la collection de la fondation.
Expositions Art Up Lille !
Du 9 au 12 mars, la fondation présente à Lille, autour du thème Jeux de Mémoire, l’exposition Mémoire. Des émotions brutes. Une sélection d’œuvres d’art Brut d’une quinzaine de créateurs.
Les œuvres réunies, protégées, diffusées par la Fondation Paul Duhem ont, souvent, eu un parcours chaotique, en marge de la culture officielle. Poussés par un besoin de témoigner, les auteurs de ces ouvrages ne s’embarrassent pas de nos codes, ils dessinent, peignent, sculptent, assemblent, tissent sans tabou. Ils nous racontent une mémoire que les mots ne peuvent exprimer.
Ils nous racontent une mémoire que les mots ne peuvent exprimer.
Lille Art Up! est une foire d’art contemporain créée en 2008 par Lille Grand Palais. Elle accueille chaque année une centaine de galeries d’art contemporain et près de 40 000 visiteurs pendant quatre jours
Infos – Fondation Paul Duhem
Rue Vandervelde, 81
7972 Quevaucamps (Belgique)
Tél. +32 (0) 475 55 38 44
contact@fondationpaulduhem.eu
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Daisy Vansteene, Chargée de communication pour Hainaut Culture