Cette année, l’exposition présente un ambitieux dialogue entre Métiers d’Art et Arts Plastiques, nous y reviendrons plus tard, mais entrons d’abord dans le monde intérieur que nous livre Lauriane Belin, la lauréate du Prix 2022.
Une lauréate à la pratique artistique participative
Le prix du Hainaut des Arts Plastiques a donc été attribué à l’artiste Lauriane Belin pour son Centre des Recherches Infinies.
Dans son laboratoire onirique, Lauriane Belin témoigne, d’une certaine manière, des lacunes auxquelles elle est confrontée, en nous livrant tous ces objets, ces éléments qui lui manqueraient pour mettre en scène son exposition idéale. Son installation n’est au fond qu’un prétexte à nouer des rencontres. Son travail s’inscrit dans l’échange avec le public qu’elle n’envisage pas comme constitué de simples regardeurs. Bien au contraire, elle nous convie, en attisant notre curiosité par le biais de petites annonces, presque timidement affichées à côté des artefacts qu’elle prend soin de déposer à nos pieds, sur de simple palettes devenues autels.
Poésie, pudeur, sincérité, connivence, sont probablement les principales caractéristiques de l’œuvre de Lauriane Belin, qui met l’humain, la sensation, le dialogue au cœur de sa démarche artistique. L’art est ici envisageable pour tous, dans tout, il ne tente pas de nous intimider, ne nécessite aucun prérequis, car quiconque le souhaite peut entrer dans le processus créatif, en compagnie de la plasticienne qui semble résolue à attendre.
Un prix centenaire
Avant de vous présenter les (très nombreux) participants de cette édition particulière du Prix, nous aimerions vous proposer un petit flash-back…
Car dans sa forme actuelle, il est une émanation de la récompense la plus ancienne accordée par la Province de Hainaut aux artistes. Lors de sa création, en 1913, il s’agit d’un prix annuel dont la valeur s’élève à 1000 fr et « qui souligne les artistes du Hainaut ayant produit dans les domaines de l’art une œuvre digne d’intérêt ».
Les tourments du premier conflit mondial suspendront évidemment sa remise, mais dès le lendemain de ces événements dramatiques, les décideurs chargés de reconstruire « tout ce qui a été détruit », auront à cœur d’introduire l’art et la beauté dans leur audacieux projet de société.
« On ne peut accepter qu’une manifestation de beauté demeure un apanage de classe. Sans vouloir le moins du monde amoindrir la valeur éducative et sociale du tableau et de la sculpture on peut dire que les arts décoratifs multipliés sont vraiment les arts de la vie »,
Ainsi parlait Marius Renard, l’un des fers de lance de la Commission Provinciale des Loisirs de l’Ouvrier (ancêtre de Hainaut Culture) lors de sa mise en place. Sa pensée, dès le début du 20ème siècle, noue des liens indéfectibles entre arts appliqués et beaux-arts, avec le souci de « mettre de la beauté dans tout».
Il n’est évidemment pas le seul à réfléchir aux moyens à appliquer en vue de relancer l’économie d’un pays à terre au sortir de la Grande Guerre. S’inspirant d’Anatole France et Ruskin, beaucoup rêvent alors à un monde nouveau, un monde de paix et de prospérité, où les masses laborieuses ne sont plus des bêtes de somme, mais peuvent élire leurs représentants, où l’on travaille moins aussi, afin de pouvoir se reposer, se distraire et ce faisant, s’élever l’esprit. C’est l’âge d’or des loisirs émancipateurs.
Pour l’avènement de ce monde nouveau, on pense qu’il faut placer la beauté dans tout, des portes des usines aux foyers des ouvriers et dans les écoles aussi évidemment. Il faut des maisons plus saines, mieux conçues, plus fonctionnelles et décorées avec soin, et du mobilier, des objets du quotidien qui soient aussi utiles que beaux. Soigner les gestes de fabrication, faire des ouvriers du Hainaut, les « meilleurs au monde », et pour ce faire développer un réseau d’enseignement industriel de très haute qualité, avec également des sections consacrées aux Arts Décoratifs pour développer un style propre à la culture locale…
Voici donc en quelques mots les principes de base énoncés par Paul Pastur et ses pairs dès 1919, avec la création de la Commission Provinciale des Loisirs de l’Ouvrier qui deviendra Hainaut Culture. Dans la foulée de cette commission, un ensemble d’initiatives sera pris, qu’il serait bien trop long d’énumérer ici, mais pour en savoir plus nous vous invitons à parcourir le livre édité par les Editions du Cerisier, lors du centenaire de la CPLO.
Une vision particulière de la figure de l’artiste.
Nous ne résistons pas au plaisir de retranscrire ici un extrait de l’allocution prononcée en 1925 par le Député Permanent, François André, lors de la remise des Prix du Hainaut (suspendu entre 1914 et 1918) aux quatre derniers lauréats d’alors : Jacobs (sculpture 1921), Moitroux (1922), Cantillon (littérature1923), Lacoste (archi 1924). Il s’adressait ainsi aux primés, dans une langue aujourd’hui surannée et paternaliste, mais qui traduit bien encore toute la valeur sociale accordée à la création artistique par la Province dès cette époque :
« Nous voulons augmenter l’habilité de l’ouvrier, augmenter sa valeur humaine… il faut que notre peuple ouvrier augmente sa sensibilité, sa capacité d’enregistrer les impressions, son pouvoir de comprendre, son désir d’ouvrir les yeux et les oreilles, d’élargir son cœur. C’est à nous de faire son éducation, nous devons épurer et élever son âme ; nous devons l’orienter vers la beauté. Et c’est vers ce but que tend notre meilleur effort, dans l’œuvre que nous avons édifiée avec le concours de tous : Les Loisirs de l’Ouvrier… messieurs les artistes, vous êtes mes phares, vous êtes la flamme au sommet de l’édifice, aussi est-ce à vous surtout qu’il appartient de guider notre peuple wallon vers les plus hautes réalisations. »
Une exposition qui chambarde les conventions.
Au fil des années, le prix du Hainaut a évolué, il s’est ramifié pour devenir « les prix du Hainaut », afin de soutenir plusieurs disciplines (audiovisuel, arts de la scène, métiers d’art, etc.). Cette année, ouvrant le champ des possibles entre plasticiens et artisans, la Province a invité un ensemble de membres de l’Office des Métiers d’Art à produire une série de pièces en lien avec les œuvres des artistes sélectionnés pour le prix des Arts plastiques.
Cette proposition originale, a pour objet de décloisonner les pratiques, de mêler « arts de la vie » (métiers d’art) et arts plastiques. Elle se concrétise sous la forme d’une exposition qui ambitionne de révéler l’écho des réflexions de jeunes artistes auprès d’hommes et de femmes, artisans, cherchant sans cesse à adapter leurs techniques aux besoins du monde actuel.
Un dialogue à savourer aux Anciens Abattoirs de Mons.
Sur place, vous déambulerez au cœur de cette monstration où coexistent deux expositions et au gré de votre intuition, muni d’un livret du visiteur gratuit, vous pourrez vous amuser à tendre des liens entre toutes ces créations.
Mais grâce à la magie d’internet, rassemblons ici les travaux des jeunes plasticiens qui concouraient pour le prix du Hainaut et ceux des artisans qui se sont inspirés de leurs recherches. Franchissons la ligne de démarcation et plongeons virtuellement au cœur d’une exposition unique, en décortiquant ici toutes les filiations qui cohabitent entre les colonnes des anciens abattoirs à Mons. Allons aux intersections de l’art et des métiers d’art.
// Lauriane Belin
La lauréate du Prix est née à Tournai en 1994 où elle a étudié la peinture à l’Académie des Beaux-Arts.
À la fin de ses études artistiques, Lauriane Belin crée le Centre des Recherches Infinies suite au constat que son travail plastique lui procure une forme de désintérêt. Elle décide alors de porter son attention, et celle du public, vers ce qui appartient au monde du rêve et non plus vers une œuvre qui serait achevée et exposable. Les artefacts proposés pour l’exposition sont des points de départ à compléter, à imaginer, à déconstruire ou à reconstruire, ensemble, en intégrant si possible l’imprévu inhérent à la vie.
Le langage artistique de Lauriane Belin entre naturellement en résonnance avec le travail de Christel Deliège, née à La Louvière et qui vit et travaille à Rome.
> Christel Deliège
Licenciée et agrégée en Information et Communication (option Anthropologie) de l’Université de Liège, directrice du Musée international du Carnaval et du Masque de Binche durant dix ans, passionnée par les bijoux traditionnels, Christel Deliège décide en 2016 de rejoindre son mari à Rome et de reprendre des études d’orfèvre. Inscrite depuis à l’Accademia delle Arti Orafe de Rome, elle partage sa vie professionnelle et artistique entre Binche et Rome.
La parure présentée ici établit un lien avec « Le Centre des Recherches Infinies » imaginé par Lauriane Belin. La plasticienne s’empare en effet des «souhaits» imaginaires ou concrets d’une personne auxquels elle répond par une proposition plastique, le plus souvent sous la forme d’objets assemblés, ayant recours aux images et à l’humour.
La collection « Legame » (lien en italien) répond à un besoin de rendre visibles les liens sociaux si indispensables aux individus. Absentes durant la crise du covid, les relations interpersonnelles ont prouvé leur nécessité dans l’épanouissement sociétal.
Tissés de fils invisibles mais bien concrets, les liens d’amour ou d’amitié disparaissent s’ils ne sont pas entretenus. Comme dans une broderie ou une tapisserie, les nœuds se dénouent, l’absence crée le manque. Pour se souvenir de ce besoin crucial de liens, Christel Deliège les a modélisés, différents mais unis pour ne former qu’un seul objet. Unitaire mais capable d’étendre d’autres ramifications dans la « tapisserie » sociale, toile non virtuelle indispensable à notre bonheur.
// Coralie Domiter
Née à Tournai en 1996, elle a étudié la Tapisserie et les Arts Textiles à l’Arba-Esa de Bruxelles.
Coralie Domiter nous plonge dans les draps et tissus rassemblés traditionnellement pour constituer le trousseau des jeunes filles. Nécessaire textile, constitué de linges de maison, il est offert au mariage afin que la femme puisse parer la demeure du couple et entamer sa vie de mariée. Comme dans la tradition, l’artiste confectionne de ses mains, les parures textiles. Ses torchons et oreillers deviennent des pièges délicats qui évoquent les mailles d’un filet. Crustacés et insectes y sont déjà capturés. Des bestioles parfaitement brodées qui rappellent que derrière la richesse des transmissions, il y a bien des fils à dénouer.
Les travaux délicats de Coralie Domiter peuvent être mis en lien avec ceux de plusieurs artisanes : Francine Delmotte, Delphine Druine, Françoise Joris ou bien encore Diane Tenret.
> Francine Delmotte
Elle vit et travaille à Roux. Formée en poterie et en céramique à l’Académie des Beaux-Arts de Charleroi, Francine Delmotte s’intéresse tout d’abord aux formes incurvées qu’elle réalise dans un premier temps en faïence ou en porcelaine. C’est maintenant la pâte de verre, matériau offrant d’innombrables possibilités et dont elle maîtrise les cuissons, qui retient son attention.
Les textiles usagés de Coralie Domiter lui ont permis d’envisager ses bols en fritte de verre de manière différente. La friabilité de la matière, les accidents de cuisson dans l’amalgame des particules, les failles, les multiples petits trous dans les surfaces givrées rappellent l’usure du linge de maison cher à Coralie Domiter. Quant aux deux coupes blanches, la structure en fil de fer alvéolé rappelle étrangement le motif des losanges tissés des torchons de cuisine.
> Delphine Druine
Delphine Druine (Delphine D) quant à elle, vit et travaille à Charleroi dont elle est originaire. Ayant décidé de vivre dans cette ville en pleine mutation culturelle, la créatrice a fait de son appartement un atelier – laboratoire d’idées et de créations. Son double cursus à l’Académie des Beaux-Arts de Tournai et à la Haute Ecole Francisco Ferrer à Bruxelles lui permet d’allier la maîtrise des techniques traditionnelles (broderie, dentelle, tissage) à la gestion des méthodes de production semi-industrielles.
Alors que sa passion pour le fil remonte à sa plus tendre enfance, souvenir de sa grand-mère, couturière, et de sa maman, férue de travaux d’aiguille, Delphine Druine ne pouvait qu’être intriguée par les recherches de Coralie Domiter autour du linge de maison.
Delphine propose des compositions qui marient dentelle et aquarelle, les deux disciplines se complètent, se répondent, voire s’opposent dans l’idée de résistance et de transparence. Les fils employés, initialement prévus pour la réalisation de nappes, d’essuies, ou de mouchoirs sont des matières récupérées. Tantôt la dentelle préexiste à l’aquarelle, parfois l’inverse, les points sont choisis dans l’inspiration du moment selon des motifs vaporeux, géométriques, voire structurés. Ces aquarelles brodées ont été réalisées pendant le confinement alors que l’impensable prenait le pas sur la réalité
> Françoise Joris
Françoise Joris vit et œuvre à Tarcienne. Elle travaille la terre depuis plus de vingt ans. Au fil du temps, peaufinant son savoir-faire et en quête de plus de délicatesse, elle s’est tournée vers la porcelaine. La recherche d’une extrême finesse, de souplesse et de translucidité guide désormais ses travaux. L’adjonction de pâte à papier et de fibres textiles donne à la porcelaine plus de corps et une grande flexibilité. Par ailleurs, la cuisson dans un four électrique à 1250° garde la blancheur de la porcelaine tout en lui conférant une translucidité remarquable.
La démarche de Coralie Domiter de redonner vie aux torchons malmenés par un usage quotidien a orienté celle de la céramiste, qui pour cette exposition, a récolté des restes de porcelaine colorée. Ces matières perdues lui ont permis de confectionner le pourtour d’un torchon dont le corps même est constitué d’une feuille de porcelaine mélangée à des fibres de lin. Pour approcher la réalité au plus près, Francoise Joris a imprimé la feuille de porcelaine en pressant un torchon de coton. Elle a ensuite donné du mouvement à l’ensemble pour que vivent ces nouveaux torchons auxquels sont associés de petits carrés de porcelaine formant un patchwork.
> Diane Tenret
Diane Tenret vit et travaille à Court-Saint-Etienne. Céramiste depuis plus de 15 ans, elle a toujours été fascinée par la Nature et l’âme humaine. Son travail se situe à la jonction de ces deux mondes et s’en inspire.
Elle tente d’interpréter la nature sous toutes ses formes. En mariant les matières naturelles tels le bois ou la terre, via la porcelaine, elle établit des ponts entre ses rêves, son imaginaire et la réalité.
Comme pour Coralie Domiter, le linge de maison fait partie de l’héritage familial de Diane Tenret. Lorsqu’elle a quitté le nid familial, ses deux grands-mères lui ont offert un trousseau qu’elle a toujours conservé. Aujourd’hui fortement usés, les torchons de cuisine l’accompagnent toujours dans son atelier de céramique.
Pour cette exposition, elle a décidé de leur redonner vie en les « raccommodant« . Ce ne sont pas des points à l’aiguille qui suturent les brèches du tissu abîmé mais bien de la porcelaine coulée à la cuillère telle une dentelle. La céramiste s’amuse des nouveaux volumes et des patchworks ainsi créés.
// Diego D’Onofrio
Est né à Mons en 1995 ou il poursuit un master en Image dans le milieu à Arts2.
L’artiste nous invite sur son île. Constituée uniquement de matériaux industriels et de caoutchouc en tension, il propose un lieu qui remonte le temps et marque la dérive d’une époque. Ce paysage est à observer. Il est construit de petites ruines industrielles échouées qu’il a récupérées dans l’usine où travaille son père. On pense alors, il nous en propose d’ailleurs, aux cartes postales touristiques qui font la promotion de stations balnéaires désuètes. Des lieux où l’on sent le faste d’une époque et que l’on refuse d’abolir pour en conserver le souvenir.
L’île de Diego D’Onofrio a influencé le travail proposé par Anne Janssens et Alain Deguide, mais aussi celui de Marie Agnès Marlair ou bien encore d’une autre façon, celui de Melina Pollez.
> Anne Janssens et Alain Deguide
Derrière Bagatelles Créations, il y a un tandem composé d’Anne Janssens et Alain Deguide. Tous deux vivent et travaillent à La Louvière. Alain a été fondeur d’art. Il découvre le travail du verre à la flamme en 2005 et se forme aux techniques du verre filé en France (maître verrier vénitien Lucio Bubacco) et au Musverre à Sars-Poterie.
Anne a reçu une formation pluridisciplinaire à l’Académie des Arts de Braine-L’Alleud (pratique expérimentale). Elle se forme aussi aux techniques du verre filé et soufflé en 2005 et en création de parures à Paris chez Michèle Sauvage en 2015. Elle travaille en collaboration avec Alain Deguide, dessine et imagine les collections.
Leur travail commun consiste à créer des perles de verre à la flamme, au chalumeau, à partir de baguettes de verre colorées à base d’oxyde métallique.
Pour cette exposition, ils sont partis du travail de Diego D’Onofrio et de ses recherches sur la tension des matériaux. Le verre a été filé afin de créer des pendentifs et une installation dans lesquels le mouvement et l’étirement du verre dialoguent avec les travaux du plasticien.
> Marie Agnès Marlair
Marie Agnès vit et travaille à Loverval. Formée initialement au tournage de la céramique et diplômée de l’Académie des Beaux-Arts de Charleroi en Céramique sculpturale, elle pratique depuis six ans la sérigraphie sur porcelaine et sur porcelaine papier.
Voilà plusieurs mois qu’elle exploite la tension dans ses pièces. Elle rapproche, replie, voire tord les surfaces planes afin que naissent des contractions volumiques. Une proximité s’établit avec le travail de Diego D’Onofrio non pas à l’échelle de la salle mais à celle de l’objet, centre d’intérêt principal de la céramiste.
> Melina Pollez
Melina Pollez (CeraMeli) vit et travaille à Marcq. Depuis toujours attirée par les rencontres, elle a, dans une première vie, été agent de voyage et a parcouru le monde à la découverte de diverses cultures. Elle a ensuite découvert la céramique il y a plus de dix ans. Prise de passion pour la terre et la magie de sa transformation, elle exploite des techniques variées, allant du tournage au coulage et passant par les différentes méthodes de finitions et de cuissons.
Pour cette exposition, elle s’est inspirée du travail du plasticien Diego D’Onofrio. Elle joue sur la structure de ses traditionnelles poupées kokeshis en y appliquant des tensions amenées par des éléments extérieurs tels qu’élastiques, porcelaine récupérée, morceaux de tissu… Les effets de matière nés lors de la cuisson font ressortir le côté brut de la porcelaine tandis que le mélange des matériaux concentre ou dilate les volumes comme autant de contractions.
// Keïnoudji Gongolo
Née à Roubaix (France) en 1989, l’artiste a étudié le Design textile à l’Académie des Beaux-Arts, Tournai.
Keïnoudji Gongolo est une jeune artiste de la matière et de la couleur. Ses nombreuses éditions présentées pour l’exposition sont des projets à la taille de nos mains et de leurs gestuelles. Méticuleusement collés, assemblés, reliés, les pages, les tissus et leurs fibres nous transfèrent dans son univers.
Ces matériaux, souvent récupérés, forment des livres objets qui nous racontent des histoires aux multiples touchés. Une fois ouverts, il est possible de les voir en grand, à la hauteur d’un corps tout entier, puisque l’artiste aime aussi s’accrocher aux cimaises ou nous projeter entre les lignes à l’aide de la lumière.
> Anne Laurent de Gheldere
Anne Laurent de Gheldere (Artizanne) s’est inspirée de l’installation proposée par Kainoudji Gongolo. Elle vit et travaille à Naast, où, touche à tout et autodidacte en de nombreux domaines, elle pratique la peinture, le travail du verre, la peinture sur soie,… Anne Laurent est une de nos membres les plus anciens. Elle cultive son dynamisme à travers ses créations.
Les travaux présentés s’inspirent des signes graphiques et de l’univers coloré de Keinoudji Gongolo. Les motifs éclatants s’étalent sur la surface. Aucun dessin préétabli, seule la façon dont la couleur s’approprie la soie génère la composition.
// Camille Dufour
Née à Mons en 1991, Camille Dufour a étudié la peinture à l’ ENSAV La Cambre à Bruxelles.
Intéressée par le caractère sériel que proposent les techniques de la gravure, Camille Dufour utilise son médium afin de s’engager dans des questions sociétales importantes à soutenir. Pour l’exposition, ce sont les représentations du corps de la femme diffusées par les médias qui l’interpellent, et nous aussi. Comment la femme existe, avec sa diversité, dans un monde qui souhaite formater ?
Camille Dufour a questionné les femmes sur leur physique avant de les reproduire sur la pierre lithographique. Modelées par une beauté trouvée imparfaite, les chairs ont été placardées en rue avant de s’exposer aux cimaises. Ces corps marginalisés ont été affichés à l’instar des images publicitaires afin de revendiquer une fois encore leur existence. Afin de prôner avec elle un possible changement, Camille Dufour nous invite à les diffuser.
Les recherches de Camille Dufour ont animé Sonja Delforce et Raymond Drygalski.
> Sonja Delforce
Sonja Delforce vit et travaille à Chapelle-lez-Herlaimont. Après des études de dessin, peinture et histoire de l’art à l’Académie des Beaux-Arts de Charleroi, elle a choisi le travail de la terre comme mode d’expression privilégié. Depuis toujours également attirée par la gravure, la céramiste s’est naturellement penchée sur le travail de Camille Dufour, qui, comme elle, parvient à véhiculer sa vision du monde à travers le noir et le blanc. Elle propose une céramique façonnée par un travail d’assemblage et d’estampage de colombins et de plaques d’argile.
Là n’est que la première étape du processus créatif qui annonce la recherche essentielle, celle de l’enveloppe, la surface, la peau de la sculpture à laquelle se confrontera le visiteur. Travaillant couches après couches les glaçures à la manière d’un peintre, la céramiste pose les engobes et l’émail au pinceau pour mieux maîtriser l’émotion de l’instant et les vibrations de la surface.
> Raymond Drygalski
Raymond Drygalski quant à lui, vit et travaille à Jumet. Lamineur pendant vingt-cinq ans, Raymond Drygalski s’est tourné vers le dessin et l’aquarelle. Il a été formé à l’école d’Art de Marcinelle, puis à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Charleroi ainsi qu’à celle de Namur, où il a étudié la gravure.
C’est naturellement que Raymond Drygalski s’est tourné vers le travail de Camille Dufour. Comme elle, le graveur exprime sa vision du monde en noir et blanc.
// Thomas Istasse
Né à Mons en 1998, Thomas a étudié le dessin à Arts2 à Mons.
L’univers inquiétant de Thomas Istasse se déploie avec beaucoup d’intensité sur les feuilles de papier. Dessiné avec énormément de maîtrise, son sujet provient de photos représentant des familles dont les membres sont masqués par des nasses, pièges en vannerie utilisés pour la pêche. À partir de ces deux éléments, le jeune dessinateur raconte avec frénésie ce qui se trame derrière les masques, ce qui se noue dans les filets, ce qui nous empêche de respirer.
Ses images nous tordent et nous relient aux personnages de ses dessins, aux marionnettes qu’il construit en papier, à l’artiste qui ne peut s’empêcher de représenter.
Ses travaux ont inspiré Caroline Guerriero et Bernadette Demoulin.
> Caroline Guerriero
La première œuvre au Centre de la Dentelle et des Métiers d’Art de Binche (Le Fuseau).
Caroline Guerriero est une des dentellières formées et diplômées de l’Ecole Plus Oultre à Binche. Elle propose un travail contemporain pensé à partir de motifs préalablement dessinés et de points classiques de dentelle aux fuseaux et de matières innovantes traitées de façon libre selon l’inspiration.
La parure tissée peut être rapprochée de l’univers de Thomas Istasse.
> Bernadette Demoulin
Bernadette Demoulin quant à elle, vit et travaille à Fontaine-l’Evêque.
Diplômée en art textile à l’Académie des Beaux-Arts de Charleroi, Bernadette Demoulin continue de fréquenter l’atelier de sérigraphie et celui de sculpture pour réaliser des formes dans l’espace.
Inspirée depuis longtemps par les masques dont elle a déjà travaillé le thème en vannerie, la créatrice s’est naturellement tournée vers l’univers de Thomas Istasse.
Sans cesse à la recherche de nouveaux volumes et de nouvelles matières, elle est partie des traits au stylo bleu du plasticien pour créer cinq masques tissés en papier et en raphia. Les faciès ironiques sont constitués de languettes de papier préalablement recouvert de motifs bleus sérigraphiés puis soigneusement entremêlées pour respecter les reliefs du visage.
Contrairement aux traits appuyés de Thomas Istasse qui dépeignent l’enfermement dans un univers anxiogène du confinement, les masques de Bernadette Demoulin touchent davantage à la dérision. Comme sur scène, ils permettent de se retrancher derrière des comportements contradictoires allant du plus jovial au plus sombre.
// Juliette Karlsson
Né à Charleroi en 1998, elle a étudié la sculpture à Arts² Mons.
Frites conceptuelles au ketchup, sacs de pommes de terre, grosse pomme de terre, … les œuvres de Juliette Karlsson pourraient nous ouvrir l’appétit. Son sujet de prédilection ?
La patate, sous diverses formes, mais toujours le même propos, un quotidien anodin, connu de tous, à mieux explorer pour nous convaincre, une fois pour toutes, que le sensible ne part de rien, ou n’a peur de rien, mais qu’il est précieux pour l’humain et son quotidien.
// Gladys Siddi
Elle est née à La Louvière en 1994 et a suivi les cours d’IDM à Arts2 , Mons.
Si les lumières éblouissantes rayonnent à travers les œuvres créées par Gladys Siddi, c’est un peu pour mieux nous conquérir et nous permettre de regarder. Dans un premier temps, L’artiste nous séduit mais très vite, elle nous aspire dans ses sujets et les éclairages, souvent bleus ou rouges, aveuglent comme les néons des enseignes. La lumière passe alors au second plan, et c’est le propos qui nous brûle les yeux. La solitude, la disparition, le climat, la fonte des glaces, Gladys Siddi met en lumière la précarité de la vie mais aussi celle d’un système prêt à se dissoudre.
Une source inspirante pour Catherine Parfait Mazé et pour Claudine Vanderick.
> Catherine Parfait Mazé
La première vit et travaille à Binche où après plusieurs années de formation en dentelle traditionnelle elle découvre la dentelle contemporaine avec Colette Van Steyvoort (maître dentellier au musée du costume et de la dentelle à Bruxelles). Sa démarche personnelle et indépendante l’amène à découvrir l’art du feutrage, de la couture, du chapeau, la manipulation de la plume, l’impression textile. Elle évolue hors des sentiers battus en utilisant des matières telles que le raphia, le métal, les fils en plastique, les fils métalliques, la soie, le lin.
L’observation du quotidien dans ce qu’il a de plus désuet telle que la mène Gladys Siddi a interpellé Catherine Mazé. La créatrice textile s’est penchée sur l’infiniment petit, la poussière qui recouvre invariablement nos intérieurs. Destructurant ces mélanges de fibres et débris de différente nature, elle les recompose à grande échelle utilisant tiges d’acier, fils de coton ou de soie.
> Claudine Vanderick
Claudine Vanderick vit et travaille à Ghlin. Elle a rencontré la terre en 2000, à l’école des Métiers d’Art du Hainaut, en Section Tournage avec comme professeur Jean-Jacques Mathieu. Elle poursuit sa formation avec Emile Desmedt en 2009 à l’Académie du soir des Beaux-Arts de Tournai dont elle a été diplômée en 2018. La céramiste vit la terre de façon viscérale.
Fruit d’une expérience intérieure, son travail n’est ni calculé, ni réfléchi. Guidé par l’émotion, il respecte ce que la terre lui propose.
Inspirée par l’univers de Gladys Siddy et son questionnement sur les problèmes climatiques, Claudine Vanderick propose un ensemble de céramiques utilitaires mariant le rouge et le feu.
// Maxime Van Roy
Né à La Louvière en 1992, l’artiste est diplômé d’IDM, Arts², Mons.
Depuis toujours, nous considérons la nature comme un décor sur lequel nous projetons notre imaginaire. Le travail de Maxime Van Roy cherche à insister sur ce constat en s’intéressant au regard de l’être humain sur l’environnement. À travers sa sculpture, l’artiste témoigne du point de vue subjectif que l’on pose sur celle-ci et de notre influence sur les éléments.
En projetant sur le paysage nos représentations, nous avons tendance à le dénaturer, le consommer, l’exploiter. Les procédés électroniques que l’artiste associe à la pierre viennent alors accentuer cette dualité et ce mode de consommation inadapté d’un territoire.
// WIP collective
Jérôme Boulanger/Thibaut Drouillon
Né respectivement à Charleroi (1997) et Nivelles (1996), tous deux ont suivi les cours d’IDM à Arts², Mons.
Le collectif s’intéresse particulièrement aux matériaux qui constituent les constructions. Attirés par leurs matières, leurs formes, ils questionnent à travers eux les frontières qui délimitent les pratiques et en particulier celles de l’art et de l’artisanat. Le collectif a mis au point un algorithme qui fragmente toutes les devises du monde et les re-combine en les mélangeant pour en créer de nouvelles fictives puis une graveuse numérique les grave sur des plaques de plâtre.
Leur installation a résonné auprès de Marie Jeanne Cavagnoli et de Sabine Londot.
> Jeanne Cavagnoli
Marie Jeanne Cavagnoli vit et travaille à Gerpinnes. Formée en poterie et sérigraphie à l’Académie des Beaux-Arts de Charleroi ainsi qu’en céramique à l’Académie des Beaux-Arts de Châtelet, la céramiste élabore dans la terre ce qui s’apparente à des cartographies en trois dimensions de paysages rencontrés lors de ses randonnées.
Pour cette exposition, le collectif Wip l’a incitée à s’orienter vers des paysages urbains et industriels. Elle esquisse la silhouette des bâtiments tantôt avec la terre, tantôt avec des plaques de porcelaine. Enfin, via la sérigraphie, elle tague des mots sur les murs de la ville créée et imprime d’anciennes images du Pays Noir ainsi que des photos souvenirs de ses promenades urbaines.
> Sabine Londot
Sabine Londot vit et travaille à Charleroi. Professeur d’éducation plastique depuis 1980, formée en bijouterie aux Académies de Charleroi puis de Châtelet, elle porte un regard particulier sur le bijou. Selon elle, il n’est pas qu’un assemblage de matériaux précieux. Il est l’image de celui qui le crée, une rencontre avec celui qui le porte. Il est aussi le reflet de son époque et de sa communauté humaine.
Le rapport sculptural aux matériaux de construction du collectif WIP entre en dialogue avec le travail que Sabine Londot propose ici. Interpellée par les processus de construction, l’urbanisation incessante, l’organisation du territoire et la restructuration des espaces, elle est partie de rebus de chantiers pour créer boucles d’oreilles et parures. Elle structure l’aluminium, l’acier, le fer, le zinc avec poésie pour que des formes chaotiques et abstraites naissent du mariage et de la corrosion des supports.
S’approchant comme le collectif du « concept philosophique d’hylémorphisme » visant à déconstruire pour composer de nouvelles formes, la créatrice brouille les codes du bijou.
Infos pratiques
Dans le sillage de cette exposition qui se déroule jusqu’au 30 octobre prochain, un certain nombre de rendez-vous sont programmés, notamment dans le cadre de la Nuit des Musées qui se tient le 22 octobre.
Rue de la Trouille 17,
7000 Mons, Belgique
Contact :
Secteur des Arts plastiques de la Province de Hainaut
Adèle Santocono
Tel : +32 (0)64/237.548
Mail : adele.santocono@gmail.com
Métiers d’Art du Hainaut
Valérie Formery
Tel : +32 (0)470 80 26 00
Mail : valerie.formery@outlook.com
Une organisation du Secteur des Arts plastiques avec la participation des Métiers d’Arts de la Province de Hainaut
En collaboration avec le Pôle muséal de la Ville de Mons, BeCraft et Hainaut Tourisme